9 juin : Pas sur les mêmes listes, mais dans le même bateau ! Discutons-en, le 4 mai, au « Forum Europe »

Que retiendra-t-on de cette élection européenne 2024, sinon la division de la gauche ? Les sondages sont certes toujours à prendre avec des pincettes, mais les faits son têtus : en moyenne, les enquêtes successives – 80 sondages étalés sur sept mois et effectués par douze instituts différents – donnent autour de 37 % des voix au total à l’extrême droite (31 % au RN et 6 à Reconquête) et placent quatre listes de gauche entre 3 et 12 %… Quant à celle que vient de lancer Pierre Larrouturou, elle rejoint, avec LO et le NPA, le club des listes plafonnant autour de 1 %.
Comme peau de chagrin

Le PCF autour de 3 % serait éliminé, Écologistes et LFI sont entre 7 et 8,5 %, le PS dans une fourchette de 11 à 13 %… Le total des voix de gauche serait autour de 30 %.Qu’en est-il des rêves des écologistes qui se disaient les mieux placés ? Si Marie Toussaint avait accepté la tête de liste ce serait le cas, et la liste unie de gauche aurait pu bénéficier d’une dynamique capable de la mettre en tête vers 35 %, ce qui aurait créé tellement d’espoir pour 2026 et 2027…

À quoi sert la « triangulation » politique de Fabien Roussel et Louis Desfontaines pour finir autour de 3 % ?

À quoi sert de prétendre maladroitement qu’il s’agit d’une « pré-présidentielle » ou du remake du combat contre la trahison de Hollande, si Glucksmann, mis en avant par les socialistes anti-NUPES et nostalgiques du hollandisme, se retrouve en tête des intentions de vote à gauche ?

On a l’impression d’un immense gâchis, de la « gauche la plus bête du monde ». Et certains se réjouissent déjà du retour de la « théorie » des deux gauches « irréconciliables », dont la mise en pratique scrupuleuse nous mènerait inévitablement au désastre en 2027.

À ce compte-là, il est minuit moins dix avant Le Pen-Bardella.

Cinq listes, mais des thèmes communs

C’est pourquoi il ne faut pas attendre les résultats du 9 juin pour anticiper la suite des événements.

En fait, la gauche avait et a des positions communes sur l’Europe, sur les questions internationales comme sur les questions sociales.

Le Programme partagé de la NUPES en était la preuve : c’est un programme discuté et corédigé en 13 jours et 13 nuits, en avril 2022, une extraordinaire base d’unité d’action, détaillé en 650 mesures révolutionnaires (1 600, 60, 32, 20, 5… 50 et VIe République), dont un chapitre commun sur l’Europe.

C’est quand même une situation exceptionnelle : par le passé, il se disait « La gauche ne peut pas s’unir, elle a trop de différences », mais là, on a un programme partagé et… il n’y a pas d’union non plus ! C’est proprement scandaleux !

À la GDS, nous avons eu raison de batailler longuement pour une pétition de masse en faveur d’une liste commune : celle lancée par 24 maires incarnant toutes les nuances de la gauche a recueilli 12 000 signatures, alors qu’elle aurait pu en avoir des centaines de milliers, si tous les responsables s’y étaient mis.

Sur l’Ukraine, toute la gauche est contre la guerre d’agression de Poutine, toute la gauche est pour l’aide militaire, pour le retrait des troupes russes d’Ukraine ; toute la gauche est pour le droit à l’indépendance de l’Ukraine.

Au Proche-Orient, toute la gauche, depuis le 8 octobre, est pour le cessez-le-feu immédiat à Gaza, la libération des otages et pour une solution politique à deux États.

Sur l’Europe, toute la gauche est contre l’Europe libérale dont se sert Macron pour imposer l’austérité, l’assèchement des protections sociales afin de rembourser une dette indigne à la finance. Toute la gauche est contre une politique qui vise à équilibrer les finances, en cognant sur les chômeurs, contre le libre choix de son travail, sur l’école, sur la santé, et contre les services publics.

On aurait pu faire, toutes et tous ensemble, une campagne convaincante contre les centaines de milliards de fraude fiscale, pour une politique fiscale visant davantage riches et grosses entreprises, pour taxer massivement les dividendes et les superprofits, pour répartir autrement les immenses richesses produites sur le continent.

Sur le travail, on aurait pu faire reconnaître le salariat comme l’acteur principal et essentiel de la production de toutes les richesses, et œuvrer pour que ces dernières soient redistribuées socialement, démocratiquement, écologiquement dans l’intérêt des Européennes et des Européens, mais aussi de la planète.

La lutte contre l’armement et contre la guerre, pour la défense des droits humains – à commencer par ceux des migrantes et des migrants –, pour les revendications féministes : toute la gauche est favorable à ces combats ô combien légitimes, et il y aurait moyen de les faire entendre tellement mieux si on était unis.

Il y avait des occasions en or pour dénoncer, avec toute la puissance d’une voix unitaire, les mauvais choix anti-européens de Macron, notamment quand il fait jouer le droit de veto de la France au Conseil de l’Europe en faveur d’Uber et du refus de la présomption de salariat. Cela concerne 40 millions de travailleurs des plateformes en UE. C’était l’occasion rêvée de combattre le libertarianisme des apôtres de la Start-up nation, et de défendre les droits du travail, de l’apprentissage à la retraite. On pouvait donner un sens au refus du « dumping social », en expliquant comment parvenir à l’objectif d’un « Smic européen » en parité de pouvoir d’achat. On pouvait défendre la semaine de quatre jours en 32 h. On pouvait défendre le repos quotidien de 11 h bafoué par le macronisme. On pouvait isoler Macron qui a empêché d’appliquer la directive européenne qui refuse de sanctionner les salariés malades en leur enlevant leurs congés payés (5e semaine incluse). On pouvait isoler Macron quand il rejette ce qui est mieux en Europe qu’en France, par exemple dans l’organisation humaine des prisons, le respect des délais de justice, ou encore le contrôle des multinationales.

La bataille pour une Europe écologique pouvait se mener avec la force d’une coalition de toute la gauche, par exemple en faveur d’un système de transports collectifs sur tout le continent et tendant vers la gratuité. On pourrait se prononcer également contre les « super camions » de 60 tonnes, et pour le fret ferroviaire. Ces thèmes mobilisateurs auraient pu être mis en avant comme des temps forts de campagne, avec des chiffres évocateurs et des arguments forts.

La bataille pour la défense de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, contre les traités de libre-échange liquidateurs, pour les prix planchers et l’encadrement des marges, contre les pesticides, pour les droits des mains-d’œuvre saisonnières, aurait eu un tout autre visage, si elle avait été menée de façon unitaire au cours de la mobilisation des petits agriculteurs.

Il aurait été possible de parler d’une seule voix, contre la tragédie de la mort par dizaines de milliers des immigrés en Méditerranée, contre la chasse aux migrants, pour une politique d’accueil digne et partagée, l’égalité des droits humains, pour la suppression du statut dégradant des « travailleurs détachés ».
Unionistes de tous les partis, démenez-vous !

Ce qui est dit et fait en commun avant le 9 juin sera, n’en doutons pas, utile après le 9 juin. Il ne faut pas baisser les bras, jamais, face à la division. Non seulement elle n’est pas fatale, mais elle heurte 85 % de l’électorat qui est pour l’union.

Sans doute beaucoup d’abstentions viendront de la division entre ces listes qui ont un même programme et qui pourtant polémiquent de façon cruelle et inutile. Parce que les « pactes de non-agression » n’ont aucun sens. Dès qu’il y a listes différentes, elles sont en concurrence et elles aggravent leurs divergences de façon excessive, déraisonnable, et c’est ce qui se produit hélas actuellement. Sur les réseaux sociaux, des partisans sectaires de tous bords s’acharnent quotidiennement à briser l’espoir de l’union, croyant grapiller des voix, alors qu’ils découragent, pour le 9 juin… et pour après !

C’est pourquoi nous avons observé avec intérêt, le 6 avril, le séminaire national des « verts unitaires », réunissant Éric Piolle, Karima Delli, Sandrine Rousseau, Philippe Brun, Benjamin Lucas, Raymonde Poncet, Patrice Leclerc, Aurélie Trouvé… Le thème central de cette réunion bienvenue était « Comment construire l’union après les européennes ? ».

Nous avons observé avec le même intérêt les efforts de Clémentine Autain pour rassembler au sein et en dehors de LFI, celles et ceux qui sont les plus convaincus que, sans candidat unioniste en 2027, il sera impossible de gagner. Nous constatons avec joie que les efforts d’Alexis Corbière, de Raquel Garrido, de Danielle Simonet, vont dans le même sens. Et si François Ruffin, qui fait un travail remarquable sur les idées, réussit à son tour à agir collectivement, cela influencera toute la gauche et redonnera moyen de corriger la désastreuse situation que nous aurons vécue avant le 9 juin.

C’est pourquoi nous nous sommes réjouis que nos camarades d’Ensemble!, de Nouvelle Donne et de Pour une Écologie populaire et sociale (PEPS) aient accepté une initiative exceptionnelle, initiée au sein du CLIO (Comité de liaison et d’initiative ouvert), pour un forum commun sur l’Europe, le 4 mai. Il s’agit non pas d’opposer les listes de gauche ni de choisir entre elles, mais au contraire, « hors-compétition », de dire ce qu’elles ont en commun.
Gérard Filoche,le 7 avril 2024

Il y a dix ans : Le désastre de la politique de Hollande sanctionné aux municipales des 23 et 30 mars 2014

La résistible débâcle de mars 2014 :

 

On a tout fait à la gauche socialiste, à D&S, pour mettre en garde Hollande, le PS, susciter l’espoir et éviter cela. En moins de 24 mois Hollande « a bousillé » le capital électoral immense, sans précédent que la gauche avait obtenu en 2004, 2008, 2010, 2012.

Les élections municipales françaises des 23 et 30 mars 2014 con-cernent 36 681 communes.

63,55 % des voix exprimées au 1er tour, 62,13 % des voix confirmées au deuxième tour.

La droite obtient 46,38 % puis 45,65 %.

La gauche chute à 38,20 % et 41,56 %.

Le FN stagne entre 4,88 et 6,87 %.

121 villes de plus de 15 000 habitants, dont  Amiens, Angers, Argenteuil, Caen, Carcassonne, Charleville-Mézières, Colombes, Conflans, Fécamp, Évreux, Fourmies, Gisors, Limoges, Montbéliard, Montceau-les-Mines, Quimper, Reims, Roubaix, Saint-Chamond, Saint-Etienne, Saint-Ouen, Toulouse, Tours, Vernon, basculent de gauche à droite.

La droite gagne une majorité des villes de plus de 10 000 habitants : elles passent de 433 à 572. La gauche descend de 509 villes de plus de 10 000 à 349. L’extrême droite gagne 14 villes, un niveau jamais atteint sous la Ve République.

51 % des inter-communautés urbaines changent de majorité : la droite obtient 62,8 % des présidences.

Avant les élections de 2014, la gauche (PSEELVFront de Gauche) détenait 29 villes de plus de 100 000 habitants contre 12 à la droite et au centre (UMP et UDI). À l’issue du scrutin, la droite détient 22 villes de plus de 100 000 habitants contre 19 pour la gauche, qui perd donc dix villes par rapport à 2008 (neuf villes en métropole et une en outre-mer).

De quoi pleurer.

Ce n’est pas la faute des maires ni des électeurs de gauche, la déroute est entièrement due à la politique de Hollande.

À sa « politique » réactionnaire « de l’offre ».

Alors que deux ans plus tôt la gauche dirigeait encore 2 villes sur trois.

Dans un premier temps, Christophe Borgel rapporteur en Bureau national, confesse : « - C’est un vote sanction, l’électorat socialiste n’est pas passé à droite mais s’est abstenu. »

Cette explication est indiscutable.

On est loin de la vague rose de 2008.

Cela ramène le PS 40 ans en arrière, avant les municipales de 1977, moment historique de sa montée en puissance vers le pouvoir.

 

Croyez-vous que Hollande va entendre et tirer l’évidente leçon ?

 

Non, au contraire, ils ne vont plus reprendre la première analyse de Borgel, ils ne vont pas confesser que c’est dû à leur politique droitière, ils vont expliquer que c’est l’électorat versatile qui change dans le mauvais sens.

 

C’est la faute du peuple !

 

D’autres éléments de langage viennent de l’Élysée :

« C’est parce que les Français évoluent à droite »,

« Il n’y a pas désir de gauche »,

« La preuve, c’est que Mélenchon ne monte pas »,

« Les Français vont vers Le Pen ».

 

Hollande et son gouvernement s’excusent-ils d’être devenus impopulaires.

Ce ne serait pas leur faute, mais celle du peuple ingrat, inconstant qui hier votait à gauche et qui les lâche.

Eux, ils ne font donc que « suivre en le freinant ce mouvement général » lorsqu’ils mènent une politique…  droitière.

 

Bien que ce soit très grossier comme tentative d’excuse je réponds aux arguments de ces tenants de l’aile droite du PS. Car un jour ils oseront prétendre que la défaite « c’est la faute des frondeurs »…

 

Mais pas de chance, en mars 2014, les fameux « frondeurs » (« députés oppositionnels » à l’Assemblée nationale) n’étaient pas encore apparus.

 

La déroute aux municipales a bien pour origine des causes nationales et pas locales. Ce n’est pas la faute des maires, la preuve est que le scrutin a pris le même sens nationalement quasiment partout.

Dans un petit village du Lubéron, Mérindol, un de nos camarades, Philippe Batoux, est écarté de sa mairie par 21 voix. Il cherche à rencontrer ceux qui se sont abstenus, souvent des amis connus :

«  - Et oui, Philippe, c’est pas contre toi, on t’aime toujours bien, mais fallait bien lui dire là-haut, qu’on n’étaient pas contents ».

Philippe regagnera d’ailleurs sa mairie au scrutin suivant, en 2020.

 

Ensuite on observe que la droite n’a pas progressé en voix ! Elle en a même souvent perdu. Si elle progresse, c’est en pourcentage, pas en chiffres absolus. Dans nombre de villes elle perd massivement des voix et gagne quand même au premier tour !

Ce qui veut dire que les électeurs socialistes sont restés fidèles. Ils ne sont pas allés voter ailleurs.

Pour s’être abstenus, il faut qu’ils soient sérieusement déçus.

Le sens de leur abstention saute aux yeux : un désir de gauche non satisfait.

 

Les dirigeants du PS tentent d’objecter que Mélenchon ne monte pas dans les sondages. Mais c’est compréhensible. Mélenchon, avec le PG, le FdG, passe son temps à dénoncer le Parti socialiste en des termes agressifs. Il ne propose pas l’unité de la gauche, il propose la « guerre des deux gauches ». Il ne séduit donc pas l’électorat socialiste, même si celui-ci avait la velléité de se tourner vers lui.

Des millions d’électeurs qui ont voté Hollande, pensaient la même chose, sur le fond politique, que Mélenchon (sur les salaires, le chômage, le partage des richesses…), mais ne le jugeaient pas en situation de gagner ni de réaliser ce qu’il disait.

Ils votaient socialistes pour être certains de battre la droite, certains que la gauche gagne, en espérant qu’elle tienne ses promesses.

Ils sont toujours là, majoritaires dans le pays, mais stupéfaits que leur gouvernement ne fasse pas une politique de gauche. C’est ce qu’on entend le plus souvent exprimer : la déception !  Que Mélenchon non unitaire ne sait pas capter.

 

Les dirigeants du PS tentent aussi d’expliquer que

« les élections intermédiaires sont toujours mauvaises ».

Faux ! Sous Jospin quand il avait mis en place les 35 h, elles étaient bonnes.

Mais, là, où est le choix politique ? Hollande puis Valls proposent 40 milliards aux patrons, la droite leur en propose 100, c’est tout !

 

Dans cette élection « intermédiaire », le seul changement, c’est que Hollande a trahi ses promesses et va à droite.

On peut leur retourner l’argument : si « la France se droitisait », sa nouvelle politique devrait l’emporter. Mais pas du tout, Hollande se minorise, vis-à-vis de la droite qui ne veut pas de lui et vis-à-vis de la gauche qui lui reproche d’aller à droite.

 

Expliquer Le Pen ?

Elle profite de la décomposition de la droite.

Car pour l’essentiel, si on étudie bureau de vote par bureau de vote, on observe que les voix du FN ne viennent pas de la gauche, mais de glissements dans les bureaux de vote de droite.

Le Pen non plus ne gagne pas de voix en chiffres absolus : c’est du fait de l’abstention, si, deux mois après, elle va être en tête aux européennes du 25 mai 2014 – avec moitié moins de voix que ce qu’elle avait à la présidentielle de mai 2012.

Sauf que cette arrivée en tête de Le Pen entretient sa dynamique propre.

L’UMP propose « du Valls puissance 10 », mais ce n’est pas non plus ce que veut la partie « populaire » mécontente de la droite, alors Le Pen leur fait des propositions démagogiques qui les attirent. C’est pour cela que Le Pen a donné à son programme une couleur d’apparence sociale et anti-libérale, elle fait d’une pierre deux coups : elle se renforce contre la gauche libérale et contre la droite libérale.

 

Dans tous les camps, les électeurs cherchent à se débarrasser de la tutelle du libéralisme.

En fait il n’y a guère de déplacements électoraux entre la droite et la gauche. L’électorat, à quelques variantes près, est stable et fidèle. Deux blocs : l’expression déformée de deux classes sociales fondamentales et antagoniques, le salariat et l’actionnariat.

La gauche est et reste largement majoritaire à la base depuis plus de 30 ans. Comme l’avait dit François Mitterrand en 1981, « c’est la victoire de la majorité sociologique ».

Les « camps » droite et gauche sont installés et varient peu.

Mais ça bouge à l’intérieur de chaque camp.

À droite il y a un glissement de l’UMP vers Le Pen.

À gauche on s’abstient pour protester parce que les gouvernants ne sont pas à la hauteur.

Dans les dix dernières années face à la droite, entre 2001 et 2013, la gauche s’était même renforcée au point de donner tous les pouvoirs au Parti socialiste, mais si cette écrasante majorité se tasse à nouveau, ce n’est pas parce qu’il y a un retournement d’attentes, c’est parce que ces attentes sont trahies : l’abstention a un sens politique extrêmement clair, il n’est pas difficile à interpréter…

 

Cap à gauche ou suicide ?

 

Croyez-vous qu’Hollande va nous répondre à nous, les électeurs, et à nous, les 40 % du Bureau national du PS qui, avec des milliers de socialistes, ont lancé l’appel « Cap à gauche » ?

Pas du tout, le gouvernement Jean-Marc Ayrault démissionne.

Et c’est Manuel Valls qui est nommé à sa place.

 

C’est une provocation, un défi, c’est en réalité un cap plus à droite !

 

Je me rappelle avoir plaisanté :

 

« - Pourquoi aller choisir un Premier ministre qui fait 5 % des voix à l’intérieur du PS ? « Pourquoi ne pas prendre comme successeur légitime de Jean-Marc Ayrault le Premier secrétaire du PS qui, lui, a été élu à 61 % des militants ? »

Mais la vérité, c’est que Hollande n’a plus rien à faire du PS.

Avec la nomination de Valls, c’est le PS qui est mis hors-jeu.

La gauche est mise hors-jeu.

 

L’Élysée dirige tout. Le président « normal » n’est pas normal.

Il ne respecte ni son parti, ni ses élus au Parlement, ni ses électeurs.

Dans le choix d’alliance avec le patronat et avec la droite, façon SPD-Merkel, peu importe que ni les patrons ni l’UMP n’acceptent de signer un « pacte », Hollande impose seul, unilatéralement, à marche forcée ce que la droite aurait fait.

Valls est là pour ça.

Hamon et Montebourg commettent alors une lourde erreur. Ils croient qu’en restant au gouvernement avec de meilleurs postes, l’Éducation et l’Économie, ils vont l’emporter habilement sur Valls. La politique n’est pas une affaire de génération.

Cécile Duflot sort du gouvernement. Et elle a raison.

Valls en un mois va parvenir à nourrir encore plus l’abstention et à pousser Marine Le Pen en tête du scrutin des européennes, et en cinq mois, il va crier « Vive l’entreprise » devant l’université d’été du Medef.

 

Puis il va profiter d’une provocation banale de vocabulaire dans la bouche de Montebourg à la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse le 24 août 2014, celui-ci ironisant sur la « cuvée du redressement ». Avec Benoît Hamon invité, les deux ministres appellent à « faire sauter les bouchons » et à un « ralentissement dans la réduction des déficits et une relance de la demande, en contrepartie de la politique de l’offre » voulue par Hollande.

Valls convainc aussitôt Hollande de virer les deux trublions de gauche qui avaient eu la faiblesse de croire qu’ils allaient s’incruster dans son gouvernement.

Montebourg s’en ira avec panache.

Hamon hésitera une dernière fois. Mais il suit quand même Montebourg. A-t-il pris le temps d’interroger Martine Aubry avant ? Les « aubrystes » jouent un jeu double, donnant des coups de pieds sous la table mais tout souriant en face à face à table.

Ils ont pourtant un rôle central car s’ils basculent vers nous dans l’opposition de gauche comme ils le laissent parfois croire, c’est le PS qui changera de cap.

 

86 « frondeurs » du PS

 

Avant le discours de politique générale de Manuel Valls et le vote de confiance à son gouvernement, 86 responsables socialistes, dont des députés issus de l’aile gauche du parti, des amis de Martine Aubry et d’autres sensibilités du PS réclament, dans un texte, que publie le JDD, un nouveau « contrat de majorité ».

 

Au total, plus de 80 députés et quelques figures du Parti socialiste, comme Emmanuel Maurel, Guillaume Balas, représentant du courant de Benoît Hamon, ou encore François Kalfon, l’un des fondateurs du club « La gauche populaire« .

« Ce n’est qu’une première liste, nous dépasserons bientôt les 100 signataires, notamment quand cette liste sera soumise aux sénateurs« ,

explique Christian Paul, perçu comme proche d’Aubry et l’un des initiateurs du texte avec Laurent Baumel, Pouria Amirshahi et Marie-Noëlle Lienemann. J’en suis.

 

« Les conditions de la confiance pour un contrat de majorité

Agir et ne pas subir. La défaite d’ampleur historique que nous venons d’encaisser nous donne une responsabilité sans précédent. Bien plus qu’une protestation de circonstance, les Français ont exprimé des positions très politiques et, dans leur diversité, des demandes de justice, d’efficacité économique et d’égalité républicaine.

Depuis de longs mois, les élus locaux et les députés avaient alerté sur le fossé qui se creusait entre la gauche au pouvoir et son électorat. Cette défaite électorale ne doit pas se transformer en renoncement démocratique. Au contraire, le temps du Parlement est venu. L’affirmation de la volonté politique est encore plus à l’ordre du jour. Le dialogue avec le nouveau gouvernement s’engage dès maintenant. La représentation nationale doit être digne de sa mission et à la hauteur de ce moment de notre histoire. Il lui revient de participer aux nouvelles orientations qu’exige cette nouvelle étape.

Dans ce but, il faut aller plus loin que les habitudes et les certitudes. Pour répondre vigoureusement à l’épuisement institutionnel, nous proposons un contrat de majorité dans la durée. En effet, pour restaurer la confiance avec les Français, il faut recréer aussi la confiance avec le Parlement. Celui-ci doit apporter sa légitimité en soutien des choix que les citoyens de tous horizons attendent de la gauche au pouvoir.

Notre première contribution au contrat de majorité privilégie les orientations ainsi rappelées :

1- Obtenir une réorientation européenne par un plan de relance contre la déflation et une révision des règles budgétaires insoutenables et ennemies de la croissance et de l’emploi.

2 - Concentrer les moyens publics sur la création réelle d’emplois et, ainsi, intensifier le redressement productif.

3- Défendre des décisions de justice et de pouvoir d’achat : des mesures en faveur des bas salaires, la réforme fiscale et la CSG progressive, l’effort en faveur des retraites les plus modestes, que nous avons demandés depuis des mois. Ces décisions convergent vers un « choc de demande », accompagnant les efforts sur l’offre, additionnant ces améliorations de pouvoir d’achat, les emplois aidés non marchands pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, et les investissements publics.

4- Réaffirmer et amplifier les choix et les engagements de 2012 :

- Muscler les efforts de régulation des activités financières et bancaires, et leur mobilisation pour l’investissement et les territoires. Promouvoir la responsabilité sociale et environnementale des multinationales et leur « devoir de vigilance ».

-Rendre populaire la transition écologique : financement et avances pour les travaux de rénovations énergétiques, co-investissements citoyens dans les énergies renouvelables, plan de remplacement des véhicules et équipements anti-écologiques.

- Engager un mouvement de transformation de l’État et des collectivités locales, avec les citoyens et les agents publics. Nous soutiendrons les économies efficaces, pas les régressions sociales : non aux économies de dépense qui conduisent à des reculs pour la Sécurité sociale ou à la panne de l’investissement public !

-Défendre l’égalité des territoires par un socle de droits (le « bouclier »), une relance des économies locales, un remaillage des services publics sur deux piliers : l’éducation et la santé.

5- Pour une revitalisation exigeante de la démocratie française. Un sentiment d’abandon exaspère aujourd’hui de nombreux Français (..) Notre majorité sera plus soudée, si elle inaugure des manières modernes de préparer les grandes décisions et de délibérer.

Si nous ne laisserons pas s’installer de faux clivages entre les « cigales » et les « fourmis », nous savons aussi que jamais la France ne se redressera dans l’austérité et en laissant exploser le chômage et les inégalités. Nous faisons le choix d’une politique qui marche. Nous recherchons l’équilibre entre les salariés et les entreprises et entre les efforts et la justice, pour toutes les composantes de la société. Refusant la fuite en avant façon Sarkozy, nous choisissons l’efficacité pour mener les politiques d’investissement, la transformation de l’État, l’innovation publique.

Les Français n’ont pas changé depuis le 6 mai 2012, ils sont déçus. Ils ne sont pas versatiles, ni ralliés à l’UMP qui n’a rien d’autre à proposer que la dérégulation et l’austérité. Il est impératif d’exprimer une vision claire et offensive du futur de la France et de son rôle en Europe.

Les Français ont le sentiment que la politique qu’ils avaient choisie n’est pas assumée. Ils nous l’ont dit dans les urnes. Il faut maintenant passer des urnes aux choix et, pour nous, des mots aux actes. Les temps qui viennent sont pour tous, et pour chacun d’entre nous, une épreuve de vérité.

Le texte rédigé par des aubrystes est plus que modéré.

Mais quand c’est nous qui en parlons, on le rend plus tonique dans les médias et sur les plateaux de télévision. Comme je suis fréquemment invité depuis l’affaire Cahuzac, je m’en charge en partie. Sur toutes les chaînes d’info et aussi chez Ruquier un samedi soir.

 

Manuel Valls ne répond pas.

Au lieu d’aller à gauche, il accélère la fuite en avant droitière.

Il affirme clairement :

« Il est difficile de faire quelque chose pour les salariés »

et « On baisse le coût du travail de 30 milliards ».

Macron ayant remplacé Montebourg, et caché derrière Valls, se réjouit. Il donne déjà des dizaines de milliards au patronat, aux actionnaires, aux banquiers. Il prend des dizaines de milliards sur les petits salaires, sur les services publics, sur la santé, l’école aussi. Il pille ceux d’en bas pour enrichir ceux d’en haut, baptisés pour la circonstance du terme gourou fétichisé : « L’Entreprise ».

 

Heureusement la gauche et ses syndicats résistent.

Et la résistance interne dans le Parti socialiste se renforce : 40 % du BN et plus de 8000 militants ont signé l’appel pour « Cap à gauche », 88 députés ont manifesté leur opposition.

11 n’ont pas voté l’investiture. Ce qui est exceptionnel.

S’il y a un moment historique pour que la Gauche socialiste joue son rôle c’est maintenant.

Mélenchon aurait dû rester.

L’extrême gauche accuse le PS en bloc, alors que c’est le PS qui est attaqué par Hollande et que c’est dans le PS que la résistance s’effectue le plus.

Tout le travail que nous avons fait depuis plus de 20 ans arrive à point nommé : résister, s’arc-bouter sur les exigences sociales, encourager les luttes, travailler à l’unité des syndicats, de la gauche, construire la majorité alternative qui existe au Parlement : un gouvernement rouge, rose, vert, EELV, PS, FDG.

On y va.

On a tenu bon.

On a remonté la pente.

Cette fois D&S veut un front large de la Gauche socialiste, assez large pour gagner !

 

Cambadelis nommé syndic du PS

 

Jeux de chaises musicales, partition élyséenne.

 

François Hollande a nommé Harlem Désir secrétaire d’État. Harlem Désir a « demandé » à Jean-Christophe Cambadélis de devenir le Premier secrétaire du Parti socialiste. Jean-Christophe Cambadélis, à son tour, s’est exprimé dans les médias pour affirmer sa volonté d’être élu par les militants. Il a parfaitement raison : un simple vote du Conseil national, élu en 2012 sur des bases politiques largement remises en question par nos électeurs lors des dernières élections municipales, ne lui donnerait que fort peu de légitimité.

L’élection par les militants d’un Premier secrétaire ne peut pas être un plébiscite. Il faut qu’il y ait la possibilité d’autres candidatures que celle du seul « candidat officiel ». Si ce n’était pas le cas, le Premier secrétaire ainsi plébiscité, n’aurait, d’emblée, aucune légitimité.

Cette élection doit aussi, évidemment, être l’occasion d’une discussion de fond sur l’orientation du Parti socialiste. Le « casting » n’est pas le plus important. Chaque candidat doit pouvoir publier un texte définissant les grandes orientations qu’il voudrait voir adopter par notre parti et être élu (ou non) sur la base de ce texte.

La question qui est posée est éminemment politique, c’est celle de savoir si notre parti continuera à accepter d’être considéré comme un parti de « godillots » se contentant d’approuver le président de la République et le Premier ministre ou s’il sera capable, si les militants en décident ainsi, d’exprimer son propre point de vue pour infléchir leur politique et les aider à réussir.

Comment, après la catastrophe des municipales, pourrions-nous faire l’économie d’une telle discussion lors de l’élection de notre Premier secrétaire ?

 

Cambadelis nous propose de construire un parti des « 500 000 socialistes » avec un  plan de développement géant projeté en grandes diapositives devant tout le Conseil national. Nous ne pouvons nous empêcher d’être dubitatifs : avec la ligne politique de Hollande-Valls  en 2014, c’est plutôt un retour au « parti des 10 000 » pour lequel le même Cambadelis combattait dans les années 70.

 

BN du PS du 9 avril 14 : sauver le quinquennat ?

Mon intervention leur annonce la couleur :

 

« Comme beaucoup ici, je suis embarrassé par cette concomitance entre le remaniement ministériel, et le « remaniement » du Parti socialiste. Cela ne se passe pas sainement. Ça nous tombe dessus ce matin par la radio, on apprend que notre Premier secrétaire est délogé, relogé et qu’il y en a un autre. Cela fait apparaitre un changement de Premier secrétaire du Parti socialiste comme une révolution de palais télécommandée, et c’est vraiment gênant. Pour les militants. Pour nous tous. (…)

J’entends Jean-Christophe Cambadélis dire qu’il y a « des fondamentaux qui se perdent ». (…) Sans doute. Mais je vais vous surprendre, quoique j’aie déjà signalé cela la semaine dernière. Il y a plus grave.

Le gouvernement vient de préconiser devant l’Assemblée nationale la baisse du salaire brut pour augmenter le salaire net. On n’a jamais discuté de cela nulle part : jamais un texte, jamais une motion, jamais un rapport…

Mais c’est inquiétant : ce sont les salariés qui financeront l’augmentation de leur salaire net en voyant diminuer leur salaire brut, indirect, les cotisations sociales. C’est un tour de bonneteau. Le manque à gagner pour la Sécurité sociale sera financé par les impôts… payés par les salariés ! Ou sinon en baisse de soins.

Ce sera symboliquement le choix de diminuer le grand principe de solidarité incarné par la mutualisation d’une part des salaires redistribuée à chacun selon ses besoins.

C’est bien ainsi que nous avions combattu cette proposition qui sort tout droit depuis cinq ans …du programme de Marine Le Pen. Ça fait des années qu’elle propose de réduire le brut pour augmenter le net : nous dénonçons cela dans toutes nos brochures ! Oui, Jean-Christophe, il y a des fondamentaux qui sautent ! Sans que personne ne réagisse, sans débat.

Quant à un congrès, il en faut un, anticipé, oui, mais sur le fond ! Avant fin 2014, pas pour régler des problèmes de clans, de motions, ni même de direction, ni même d’un « parti des 500000 », mais un congrès nécessaire pour consulter les militants redresser la barre, faire savoir au gouvernement ce que pense la gauche, ce que pensent les socialistes, comment on doit agir, réorienter pour éviter la catastrophe aux prochaines élections.

Car il y a un grand risque sérieux que nous perdions toute la séquence électorale à venir.

Or c’est évitable, il n’y a pas fatalité absolue à aller dans le mur, à tout perdre dans un autre 21 avril en pire, mais seulement si, à temps, le parti dit ce qu’il faut, à partir des souhaits démocratiquement exprimés de nos électeurs.

Valls, sinon, fera perdre le Sénat, les cantonales, les régionales, et les législatives et le président.

Ce n’est pas une question d’hommes, c’est une question de ligne politique. L’actuelle orientation d‘austérité est suicidaire.

À la fin, ce sera pire qu’en 1993, la dégringolade va être totale, la coupe sera bue jusqu’à la lie.

La seule possibilité d’empêcher cela et de sauver le quinquennat, c’est d’en revenir à une politique de gauche capable de mobiliser l’électorat socialiste et de gauche, c’est de renoncer à céder aux libéraux, c’est de rebâtir, sur la majorité parlementaire toujours existante, un gouvernement rose rouge vert, unitaire, qui donne envie ET satisfaction à l’électorat de gauche, pour qu’il appuie et vote à nouveau de façon active contre la droite. »

 

Nous réclamons en vain une direction collégiale jusqu’au congrès suivant.

Mais le 15 avril 2014, Cambadélis s’impose en Conseil national. Nous présentons contre lui, toutes gauches réunies, Sylvain Mathieu, Premier fédéral de la Nièvre, qui obtient 32,88 % des suffrages. Significativement, le vote du Conseil national se faisant en deux temps, Sylvain Mathieu aura  davantage de voix à bulletins secrets qu’à main levée.

Cambadélis concède bientôt un congrès qui se tiendra tardivement en juin 2015.

Le calendrier général de ce congrès annoncé à Poitiers est le suivant :

-6 février 2015, minuit : date limite de dépôt des contributions générales et thématiques ;

-7 février 2015 : Conseil national de préparation du congrès et d’enregistrement des contributions ;

-11 avril 2015 : Conseil national de synthèse, dépôt du texte des motions et des candidats (et des candidates) aux instances du parti (Conseil national, commission nationale des conflits, commission nationale de contrôle financier) ;

-21 mai 2015 : vote des adhérents et des adhérentes sur les motions ;

-28 mai 2015 : vote des adhérents et des adhérentes sur le ou la premier(e) secrétaire ;

-5, 6 et 7 juin 2015 : congrès national à Poitiers.

 

Valls brade tous les espoirs de mai-juin 2012

 

Dès les premières semaines de son entrée en fonction, Manuel Valls n’hésite pas à renoncer même aux rares bribes que le gouvernement Ayrault avait prétendu avoir arrachées au patronat.

Valls l’a dit avec violence :  les salariés, il ne peut « rien pour eux ».

Sur  les « contrats courts » et « temps partiels de l’ANI » et de la loi Sapin, le Medef réussit à faire reculer pas à pas le gouvernement, c’en est fini des « accords de branches »

Idem sur les critères « pénibilité » de la loi retraite.

La CFDT y tenait. Elle cède.

Cela avait été annoncé triomphalement comme une contrepartie à la sale loi portant la retraite à 43 annuités, à 66 ans de facto.

Le PS avait essayé d’affirmer haut et fort que « la prise en compte de la pénibilité » tempérerait le recul absurde de l’âge des départs en retraite ! (Lequel ne se traduit que par une hausse du chômage des « seniors »).

Fi donc, il a suffi que Pierre Gattaz menace de ne pas participer au (pseudo-) « sommet social » des 6 et 7 juillet 2014… et hop, Valls reporte la « montée en charge progressive » de la « pénibilité » dans le calcul des retraites.

Seuls quatre des facteurs prévus (travail de nuit, travail répétitif, travail posté, travail en milieu hyper-bare) sur 10 facteurs de risques seront pris en compte. Postures pénibles, port de charges lourdes, sont des sujets reportés à une négociation expéditive sous la houlette d’un revenant, vieux liquidateur du droit du travail, Michel De Virville.

Plus tard un certain Emmanuel Macron ministre puis président déclarera « qu’il n’adore pas parler de la pénibilité liée au travail ». Dire qu’à ce moment-là, il n’était que directeur adjoint de l’Élysée, et qu’il ne devient ministre qu’en été 2014 !

Manuel Valls en rajoute et demande de « simplifier le Code du travail » que son ministre porte-parole, Jean-Marie le Guen juge « répulsif ». L’objectif disent-il, serait « de rendre le fonctionnement de l’économie plus souple, plus efficace ».

Nous le répétons inlassablement : on sait pourtant que moins il y a de droit du travail moins il y a d’emplois. Regardez en Martinique ou en Guadeloupe, il y a beaucoup moins de droit du travail, il y a beaucoup plus de chômeurs.

Le chômage ne provient d’aucune nécessité, il est voulu.

C’est le fruit de la politique du patronat.

Soit on la combat, soit on l’encourage.

Soit on le laisse licencier soit on contrôle les licenciements.

Soit on réduit la durée du travail et on partage le chômage, soit on laisse les durées du travail s’allonger, se flexibiliser, se précariser et on a de plus en plus de chômeurs.

 

Et rembourser la « dette » présumée ?

 

Parmi ses arguments défensifs, le gouvernement continue de nous expliquer que le budget doit être serré, les déficits abaissés, pour rembourser la fameuse « dette », présumée, qui nous menace.

Bien sûr, nous n’y croyons pas une seconde : car en pratique, rembourser la dette aboutit à augmenter la dette.

Le déficit baisse de 5,3 % en 2011 à 4,8 % en 2012, vers 4 % du PIB en 2013. Il est fixé à 3,5 % en 2014, 3 % en 2015 et … 0,5 % en 2017.

La dette publique s’élevait à 85,9 % fin 2011 et à 90,2 % fin 2012. Elle atteint 91,7 % du PIB en mars 2013,  autour de 94 % en 2015.

Pourquoi ? Parce que cet argent qui va à la dette, ces économies qui sont faites sur les dépenses induisent la récession.

Et la récession limite les rentrées fiscales, ce qui creuse les déficits et la dette.

C’est comme un jardinier qui arrose le fleuve pendant que son jardin s’assèche.

Donner priorité à rembourser la dette et à réduire les déficits, c’est non seulement jeter des steaks aux requins, mais c’est les enlever de la bouche des passagers du navire.

Il y a trois budgets distincts dans le pays, répétons-nous inlassablement, ce n’est pas le budget de la protection sociale qui nourrit la « dette » présumée, il est presque équilibré à force de privations, c’est le budget de l’État, et c’est bel et bien faute de recettes, faute d’impôts.

 

Faites donc la réforme fiscale au lieu de bloquer nos salaires nets et bruts, ça fera du bien au salariat et nous retrouverons notre électorat et nous battrons Le Pen.

 

Le Pen en tête

Les élections européennes se déroulent le 25 mai 2014 en France.

Avoir nommé Valls Premier ministre deux mois plus tôt, c’était donner un mauvais signal à l’ensemble de la gauche.

C’était donc un signal favorable à Le Pen.

 

Le vote s’est déroulé à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne dans le cadre de huit circonscriptions groupant plusieurs régions.  Sur 46,6 millions d’inscrits, il n’y a que 42,43 % de votants dont 40, 73 % d’exprimés 800 000 votes blancs.

L’abstention atteint 57,57 % des inscrits !

 

Pour la première fois, le Front national arrive en tête d’une élection nationale (24,86 % et 24 élus) devant l’UMP (20,81 % et 20 élus) et le parti socialiste au pouvoir (13,98 % et 13 élus).

Les Verts obtiennent 8,95 % soit 6 sièges.

Le Front de Gauche obtient 6,61 % soit 4 sièges.

Le NPA obtient 3,5 % des voix et LO, 0,5 %.

 

Comment en est-on arrivés à ce point-là ?

Comment Hollande a-t-il pu faire ça ?

Comment peut-il continuer ?

 

C’est une tragédie

À l’Élysée et Matignon, ils ne mesurent pas l’ampleur de ce qui se passe.

François Hollande avait été élu Premier secrétaire du PS en mai 2003 au congrès de Dijon, parce que les militants secoués par le 21 avril 2002 ne voulaient plus jamais ça : plus jamais que le Front national, Le Pen, soient devant le Parti socialiste.

Tout le monde, dans ce but, voulait un « nouveau parti socialiste ».

De 2002 à 2012 on avait regagné toutes les institutions du pays à gauche.

Et en deux ans de politique de Hollande et un mois de Valls c’était liquidé, Le Pen est de retour : en tête cette fois.

Ils ont inversé une autre courbe que celle du chômage et des naissances : celle du déclin du FN.

 

Macron impose le droit de veto de la France seul contre toute l’Europe Salariat ou uberisation

Macron impose le droit de veto de la France seul contre toute l’Europe

Salariat ou uberisation

Ainsi Macron a utilisé le droit de veto de la France en Europe pour sauver Uber.  La grande presse française s’est bien gardée de relever l’importance de l’affaire, on peut même dire qu’elle l’a étouffée.

 

A l’ONU où le droit de veto a été utilisé 265 fois depuis 1945, la France ne l’a pas utilisé depuis le 8 février 1976, c’était pour conserver le contrôle de Mayotte en dépit de la condamnation de l’ONU.  ET elle se bat officiellement pour que ce droit de veto y soit réaménagé.

En Europe tout le monde se souvient des deux droits de veto de De Gaulle, en 1963, et en 1966, contre l’entrée de la Grande-Bretagne en Europe. Ce fut le « compromis de Luxembourg » de janvier 1966 : alors que la France n’en avait pas besoin, puisqu’elle disposait à l’époque d’une grande influence (notamment par rapport à l’Allemagne, alors qualifiée de « nain politique »), son action a préservé un système autobloquant.

Avec six pays, c’était déjà un problème, qui s’est logiquement aggravé avec l’élargissement de l’UE à 27 ou 28 États membres. Et comme pour abolir l’unanimité, il faut l’unanimité, les institutions européennes ne parviennent pas à se débarrasser d’un système qui permet à un seul pays (Pologne ? Hongrie ?) de paralyser tous les autres.  Aussi le parti européen de Macron remet-il en cause le droit de veto : Guy Verhofstadt (Open VLD, Belgique), co-président du bureau exécutif de la Conférence sur l’avenir de l’Europe et député européen Renew Europe a déclaré : « Les règles de l’unanimité tournent en dérision la politique européenne. L’aide à l’Ukraine, les sanctions contre la Russie, la justice fiscale, la gestion des migrations, les fonds européens et l’État de droit… littéralement tout ce qui compte pour les Européens est soumis au veto d’un gouvernement ou d’un autre. Notre souveraineté est handicapée par nos propres règles obsolètes. Nous devons lancer une Convention et mettre à jour les règles ».

Monsieur Veto :

« Le droit de veto n’est pas populaire en France » souligne Jean-Michel Drevet : « il est apparu dans la constitution de 1791 qui a permis à l’ex-monarque absolu de conserver un peu de pouvoir en bloquant les décisions de l’Assemblée qui ne lui plaisaient pas par un veto suspensif d’une durée maximale de six ans. Louis XVI y a eu recours à cinq reprises et cela n’a pas porté chance au couple royal (Marie-Antoinette fut la « madame Veto » des chansons révolutionnaires). Il n’a pas disparu de nos constitutions successives, mais il est assez rarement pratiqué ».

Et voilà que Macron donne dans l’énormité et contre l’avis de son propre parti européen use du droit de veto

Pourtant il y a eu un avis favorable du Parlement européen, puis de la Commission européenne, puis du « Trilogue » (réunion du Parlement de la Commission et du Conseil européen).

Mais au Conseil de l’UE, qui réunit les ministres européens par thématique, seul un vote à l’unanimité permet de valider une décision, législative ou non. Chacun des Vingt-Sept dispose donc de facto d’un veto, puisqu’il suffit d’une seule voix prononcée contre une décision pour l’invalider.

Après de longues et houleuses négociations, le Parlement, les 27 États membres et la Commission européenne étaient parvenus à un accord : une directive européenne sur la protection des travailleurs des plateformes basée sur la « présomption de salariat » qui aurait pu être plus ambitieuse, mais qui allait améliorer la vie de plus de 40 millions de travailleurs des plateformes en Europe dont 4 millions en France).

Sauf que jusqu’au bout, Emmanuel Macron manœuvre pour rassembler une minorité de blocage. L’eurodéputée FI Leïla Chaibi, qui a négocié cette directive pour le groupe de la Gauche, souligne qu’un tel blocage est rarissime, a contre-courant et prouve que « le président français est bien le lobbyiste d’Uber ».

Les liens « opaques » et « privilégiés » entre Macron et Uber depuis 2017 ont été établis le 18 juillet 2023 par une commission d’enquête parlementaire sous la direction de la députée Danielle Simonnet. « C’est au mépris de toute légalité, et grâce à un lobbying agressif auprès des décideurs publics, que l’entreprise américaine est parvenue à concurrencer de manière déloyale » les taxis, pose encore le rapport dans son introduction. Parmi les membres de la commission d’enquête, douze députés ont validé le rapport final – tous ceux issus de la Nupes, du groupe Liot ou du RN –, mais les dix députés Renaissance et leurs alliés, ainsi que l’unique élu LR, se sont abstenus. » (in Le Point 18 juillet 2023)

La commission d’enquête, pendant six mois, a auditionné 120 personnes, dont deux anciens Premiers ministres, Bernard Cazeneuve et Manuel Valls, ainsi que d’anciens dirigeants d’Uber pour cerner les agissements d’Uber en France entre 2014 et 2017. L’affaire a été déclenchée par la révélation des « Uber Files », soit la fuite de 124 000 documents internes recueillis par Mark McGann, ancien lobbyiste pour le compte d’Uber, et communiqués au journal britannique The Guardian. Selon des éléments mentionnés dans le document par la rapporteuse Danielle Simonnet, Uber a eu également « 34 échanges avec les services du président de la République entre 2018 et 2022 ».

Mais non seulement Uber a financé et soutenu Macron dès 2015-16 (dans des proportions inconnues encore à découvrir) mais il y a un profond accord idéologique ! D&S l’avait analysé dès 2017, le libertarien masqué qu’est Macron s’était prononcé dans son livre « Révolution » pour une société sans statuts, sans code du travail, sans cotisations sociales, « post-salariale ». c’est-à-dire une société « uberisée ».

Macron a fait voter la France seule en faveur d’UBER obtenant l’abstention de l’Allemagne et de la Grèce (qu’a-t-il promis en échange ?) afin qu’il n’y ait que 63,5 % des voix et non pas les 65 % requis pour que passe la directive obligeant UBER à faire de ses salariés… des salariés. (Le Conseil de l’Union européenne aurait pu voter à la majorité qualifiée qui est atteinte à deux conditions : si 55% des États membres – soit 15 sur 27 – ont voté pour et si la proposition est soutenue par des États membres représentant au moins 65% de la population totale de l’UE).

 

Ce coup de force vient de loin, du coeur de la politique macronienne et mérite de braquer les projecteurs dessus à l’occasion de la campagne des élections européennes du 9 juin 2024 : Europe uberisée ou Europe salarisée ?  Europe anti sociale, à la tronçonneuse, à la mode de l’argentin Javier Milei ou Europe sociale ?

 

Car le RN ne s’oppose pas à Uber :  au contraire il préconise aussi de supprimer les cotisations sociales, de « supprimer le salaire brut pour augmenter le salaire net » ce qui revient à mettre bas la Sécurité sociale.

 

Le statut de travailleur indépendant, sur lequel des plateformes comme Uber ou Deliveroo fondent leur modèle, est remis en cause dans un nombre croissant de pays, suscitant des lois et décisions de justice en ordre dispersé.

 

C’est donc une question nationale et internationale centrale : le modèle UBER incarne une régression massive de tous les droits sociaux, et voilà que c’est au nom de la France que Macron veut l’imposer par ce droit de veto à l’Europe entière.

 

le 9 juin votons contre Macron qui veut ubériser l’Europe. Présomption de salariat contre présomption d’indépendance payé à la tâche.

 

L’avenir de l’Europe c’est le choix entre salariat et ubérisation ; entre progrès social ou bien retour aux tacherons du XIX° siècle.

Combattons Macron le SEUL en Europe à avoir voulu imposer l’uberisation contre la présomption de salariat

Le 9 juin votez contre Macron qui est anti européen chaque fois que l’UE a quelque chose de progressiste : – présomption de salariat – être malade n’implique pas de perdre ses congés payés – respect du repos quotidien de 11 h par jour – contrôle de la corruption des multinationales.

Macron combat l’Europe chaque fois qu’elle est sociale : Macron n’aime que ce qu’il y a de libéral dans l’Europe.

 

 

 

 

 

 

 

L’hécatombe des institutions représentatives du personnel

 

Dans les années 1990 l’UIMM (union des industries métallurgiques et minières) branche particulièrement réactionnaire du patronat français avait calculé que l’existence des IRP (institutions représentatives du personnel, CE, DP, CHSCT, DP, DS…) augmentait le « cout du travail » d’environ 4,5 % pour les entreprises qui y étaient assujetties. Ils demandaient à ce que ce coût soit abaissé.

Ils ont mis plus de 20 ans, mais ils ont réussi : on est passés depuis les lois Sapin, Rebsamen, Macron, El Khomri, Pénicaud, de 425 000 élus mandatés du personnel à moins de 200 000. C’est une saignée : moins de délégués, moins de syndicalistes, moins d’information et contrôle, les très modestes formes de contre-pouvoir et de démocratie qui existaient dans les entreprises ont reculé férocement dans la dernière décennie sous les coups combinés de Hollande, de Macron et du Medef.

En 2022, 73,2 % des entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole ne sont plus couvertes par au moins une instance représentative du personnel, une baisse de moins 8 % sous Macron. Ces entreprises emploient 76,7 % des salariés du champ concerné.

Autrement dit les ¾ des salariés et les ¾ des entreprises qui devaient avoir des IRP n’en ont plus !

Il n’y a plus de délégués syndicaux dans 90 % des entreprises éligibles !

Quant aux commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT ex CHSCT « fondus » sous forme de commission dans les CESE), leur implantation plafonne dans les 5000 entreprises d’au moins 300 salariés, où elle est obligatoire (83,9 % d’entre elles). Elles ne sont mises en place que dans un quart des entreprises de 50 à 299 salariés (25,8 %, en recul d’un point par rapport à 2021).

Couvertures syndicales et par des instances représentatives du personnel élues, en 2022. En %

Entreprises Salariés
Couverture syndicale    
Délégué syndical (DS) 10,9 56,6
Représentant de section syndicale (RSS) 2,1 27,8
Couverture des instances représentatives du personnel    
Comité social et économique (CSE) 36,0 76,6
Conseil d’entreprise (CE) NR NR
Représentants de proximité 1,8 20,2
Commission santé sécurité et conditions de travail (CSSCT) 6,8 50,1
Au moins une instance élue 36,2 76,7

NR : non représentatif; le nombre d’entreprises répondantes est trop faible pour permettre une estimation suffisamment précise.
Lecture : en 2022, 10,9% des entreprises disposent d’au moins un délégué syndical (DS) au niveau d’un établissement, de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale (UES), représentant 56,6% des salariés du champ.
Champ : entreprises de 10 salariés ou plus du secteur privé non agricole en France (hors Mayotte).
Source : Dares, enquête Acemo « Dialogue social en entreprise ».

Abaisser encore les « seuils » :

Macron, Attal et Vautrin ont annoncé vouloir « simplifier » les CE/DP en « bougeant les seuils ».

Ils proposent de passer le seuil d’élection des délégués du personnel de 11 salariés par entreprise, à 20, et le seuil d’élection des Comités d’entreprise de 50 salariés à 250 par entreprise.

Donc au lieu de 207 000 entreprises de plus de 10, et 35 700 entreprises de plus de 50 salariés (3% du total) éligibles à un CE, il n’en restera que 6300 et près de 80 % d’entre elles n’auront plus cette obligation.

Depuis le 1er janvier 2020, pour remplacer les anciens délégués du personnel, des CSE avaient été mis en place (théoriquement !) dans les entreprises de 11 à 49 personnes (à condition qu’un salarié se porte candidat et que le patron laisse faire !) la proposition d’Attal de repousser le seuil de 11 à 21, va écarter plus de 50 % du total de ces entreprises.

Devinette : sachant que, déjà, dans 66 % des entreprises, l’état de droit n’était pas appliqué par les patrons et qu’il n’y aucun salarié élu dans aucune des instances en vigueur, seulement 81 900 des plus de 11 (sur 207 000) avaient réellement un CSE, combien va-t-il en rester après cette hausse des seuils ?

Moins de 9% des entreprises éligibles de plus de 50 ayant actuellement un CSE et ne couvrant que 19,3 % des salarié concernés, si la loi Vautrin passe avec les seuils à 20 et à 250, ce sera joué, le libertarien Macron entre 2015 et 2024, aura eu la peau de plus de 90 % des institutions représentatives du personnel.

Exit 75 ans de représentation du personnel dans les boites !

C’est une défaite en rase campagne pour l’ensemble du salariat. La revanche est à prendre et s’impose !

Gérard Filoche

 

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Missak et Mélinée Manouchian

« … Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles … »

En hommage à Missak et Mélinée Manouchian et à leurs camarades

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Nantes – Février 2024

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Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Le 21 février prochain, Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon. Quelques semaines après que Macron eut avalisé une loi Darmanin contre les mi- grant.es votée avec le soutien du Rassemblement national, héritier des fascistes du XXème siècle qui envoyèrent à la mort Manouchian et ses camarades. Nous ne sommes pas partie prenante de ces hypocrisies et de ces manœuvres. Mais, pour nous, c’est l’occasion de rappeler ce que furent les combats de ces immigré.es et de dire leur actualité, alors que les périls d’hier se profilent à nouveau. De parler, non seu- lement de Manouchian, mais de ses camarades, qu’il aurait été bon d’associer dans la célébration, comme ils et elles le furent dans la mort (une pétition le réclamait d’ail- leurs).

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

Les nazis avaient, on le sait, recherché « un effet de peur sur les passants » par la dif- fusion massive de l’Affiche Rouge, indiquant que le groupe Manouchian était composé d’étrangers, souvent juifs. On sait aussi que, en février 1944, moment où l’exaspération contre l’occupant montait, en même temps que se dessinait la perspective de la Libéra- tion, la manœuvre des nazis fit long feu.

Les 23 (22 hommes fusillés le 21 février 1944 et une femme décapitée en Allemagne le 10 mai 1944) étaient des militant.es communistes ou sympathisant.es, internationa- listes, membres des FTP-MOI, Francs-Tireurs et Partisans- Main-d’Oeuvre Immigrée) organisation immigrée du Parti communiste. Certains avaient combattu en Espagne contre le fascisme, d’autres étaient trop jeunes pour cela, mais étaient menacé.es de mort parce que juif/ves (la moitié des membres du groupe étaient juifs). Mélinée, la compagne de Missak Manouchian avait perdu son père dans le génocide arménien déclenché à partir de 1915, elle devait perdre son mari, assassiné par les nazis : un résumé tragique de l’histoire du XXème siècle. Ces militant.es combattaient aussi pour une France rêvée, celle issue de la Révolution française et du soutien au capitaine Dreyfus, contre la France de Vichy, qui « accomplissait l’irréparable » en ces années.

Ayant réalisé de nombreux attentats, notamment contre des officiers allemands, ils et elle furent traqué.es par les policiers français et finalement arrêté.es en novembre 1943. En 1942-43, ce groupe avait joué un rôle très important dans la lutte armée à Paris contre l’occupant nazi.

Nul ne semblait vous voir de préférence

Malgré ce rôle important, malgré le symbole fort que représentait le groupe Manou- chian, sa mémoire fut effacée à la Libération. C’était le temps où le PCF se voulait un parti avant tout français et donnait aux rues et aux places des noms « faciles à pronon- cer ». Un temps où le gaullisme et le PCF se disputaient la mémoire de la Résistance et la voulaient patriotique, gommant ainsi ses aspects sociaux et révolutionnaires.

Il fallut 10 ans pour qu’Aragon écrive, en s’inspirant de la dernière lettre de Manou- chian, des Strophes pour se souvenir, publiées en 1956 dans Le Roman inachevé. Sur- tout, la mise en musique par Léo Ferré, qui en fit en 1961 la chanson L’Affiche rouge, mit en lumière ces « amoureux de vivre à en mourir ». Quelques années avant 68, ces paroles parlèrent à une génération avide de retrouver la mémoire des combats du pas- sé.

Le verso du tract nazi

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Olga Bancic, Juive roumaine dé- capitée à Stuggart le 10 mai 1944

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Moska Fingercweig,

Juif polonais

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Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes

Leur action était avant tout un combat contre le fascisme et les racismes nazis, qui s’attaquaient prioritairement aux Juif/ves, mais aussi aux Tsiganes ; une haine de l’autre qui ciblait les homosexuels. C’était un combat pour la liberté. La menace du retour de ces haines est revenue hanter notre présent. Alors que, dans nombre de pays, l’extrême droite relève la tête, arrive même parfois au pouvoir, le rappel du combat des FTP-MOI n’est pas qu’une référence au passé. Il est une arme pour nos luttes d’aujourd’hui.

L’action de ces immigré.es doit être remise en mémoire pour dire combien l’essen- tiel n’est pas l’origine des un.es et des autres, mais bien leur communauté de pen- sée, leurs espérances et leur volonté de vivre ensemble. Dans la France d’aujour- d’hui, où des bandes fascistes veulent menacer celles et ceux qui viennent d’ail- leurs, chassé.es par la misère et les guerres, ce rappel que luttèrent ensemble français.es et étrangers/ères fait partie de nos luttes. Comme il fait partie de notre combat contre l’antisémitisme, d’où qu’il vienne.

C’est pourquoi, la Gauche Démocratique et Sociale (GDS 44) et ENSEMBLE !

44 tiennent à rendre hommage, non seulement à Missak et Mélinée Manou-

chian, mais à ceux – et celle – du groupe qui furent assassinés par les nazis.

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Nantes le 11 février 2024

Quelques repères historiques

Michel Laffitte (Extraits de La Résistance en Ile-de-France)

L’expression « groupe Manouchian » est issue d’une construction de la mémoire qui trouve son origine dans la diffusion massive de l’Affiche rouge sur les murs des villes de France, au moment de l’exécution, le 21 février 1944 au Mont-Valérien, de 22 résistants. Ces combattants des FTP-MOI sont présentés par la propagande nazie sous les allures d’une « bande » dont Missak Manouchian, respon- sable militaire des FTP-MOI de la région parisienne, est le « chef ». Il est remarquable que Joseph Epstein, chef des FTP de la région parisienne, supérieur hiérarchique direct de Manouchian, interpellé en même temps que lui, ait été jugé à part et exécuté le 4 avril. Au total, 68 militants dont une moitié de Juifs majoritairement étrangers sont arrêtés au cours d’un vaste coup de filet à l’issue des longues et patientes filatures des policiers français de la 2e Brigade spéciale de la Préfecture de police de Paris. Comme le remarque Adam Rayski dans ses mémoires,  »ce groupe n’a jamais porté pendant la Résistance le nom de Manouchian, qui n’était connu que sous son pseudonyme. Les premiers qui parlent du « groupe Manouchian » sont les services de propagande allemande, en février 1944, au moment du procès ».

Le « groupe Manouchian » représente le noyau dur des combattants des FTP-MOI, tombés pour la plupart entre le 12 et le 17 no- vembre 1943. L’arrestation de Missak Manouchian a eu lieu le 16 novembre, suivie dans l’après-midi de celle de Olga Bancic et de Marcel Rajman et, le lendemain, de Moka Fingerweig, de Wolf Wajbrot… Avec Schloïme Grzywacs, les visages de ces militants juifs d’origine polonaise ornent quatre des dix médaillons de l’Affiche rouge.

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József Boczor, Juif hongrois

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Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

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Sur les 22 résistants fusillés le 21 février 1944, la moitié sont identifiés comme Juifs et quatre sont issus du deuxième détachement, dit détachement juif, des FTP-MOI : Marcel Rajman a été versé au sein de l’Equipe spéciale, tandis que Moïshe Fingercweig, Wolf Wajsbrot et leur aîné, ancien des Brigades internatio- nales, Schloïme Grzywacs ont été mutés au quatrième détachement

.Cette dernière équipe, dite des dérailleurs, représente, en y ajoutant Thomas Elek, la moitié des 10 visages figurant sur l’Affiche rouge et 9 fusillés sur 22 ; ne sont pas représentés les visages de Jonas Geduldig, alias Michel Martiniuk, de Léon Goldberg, de Willy Schapiro, tous trois Juifs d’origine polonaise, ainsi que du Hon- grois Emeric Glasz. L’insistance sur les déraillements de train tente manifestement de sensibiliser une opinion utilisant alors massivement le réseau de la SNCF ; sur l’Affiche rouge, trois des six photographies évoquant des attentats sont des clichés de déraillements ferroviaires.

Avec Marcel Rajman, l’Italien Spartaco Fontanot et l’Espagnol Celestino Alfonso font partie de l’Equipe spéciale. Les deux premiers, à l’image de 12 des 22 fusillés du 21 février 1944, sont âgés de moins de 24 ans au moment de leur exécution, le Français Roger Rouxel, membre du troisième détachement, majoritairement ita- lien, n’ayant pas atteint son dix-huitième anniversaire. Cinq autres membres de ce détachement paient alors le prix fort : Cesare Luccarini, Antonio Salvadori, Ame- deo Usseglio, Rino Della Negra, le Français Georges Cloarec et Robert Witchitz, présenté comme Juif hongrois.

Missak Manouchian et Arpen Tavitian, respectivement âgés de 38 et de 45 ans, sont les seuls militants d’origine arménienne fusillés au Mont-Valérien le 21 février 1944. Ils ne sont donc représentatifs ni par l’âge, ni par l’origine, de la génération des rafles, celle des jeunes militants juifs en majorité polonais qui ont vu leurs pa- rents disparaître dans les déportations. La recension des noms des fusillés de- meure encore imparfaite. Les ouvrages les plus récents ne mentionnent par exemple à aucun moment la présence, parmi les 22 fusillés, de Stanislas Kubacki, Juif polonais sans doute âgé de 34 ans.

La représentation du « groupe Manouchian » est le résultat de ce que les auteurs du livre Le sang de l’étranger nomment  »un processus d’occultation de la mémoire MOI qui durera près de quarante ans ». L’impact immédiat de l’Affiche rouge collée sur les murs des villes de France en février 1944 reste discuté. Sans prégnance importante sur les consciences et donc sur l’élan de la Résistance, l’Affiche rouge a construit le « groupe Manouchian » en objet de mémoire, comme en témoigne en 1985 Mélinée Manouchian dans le film de Mosco Des « terroristes » à la retraite :  »Il y a des jours où je ne peux pas m’empêcher de penser que peut-être si les nazis n’avaient pas fait cette Affiche rouge, personne n’aurait parlé de Manouchian, de Boczor, de Rajman, d’Alfonso et des autres combattants étrangers. On les aurait enterrés et oubliés. Regardez les survivants, qu’est-ce qu’ils sont deve- nus ? »

Missak et Mélinée Manoukian

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A l’appui de ces remarques, l’historienne Annette Wieviorka a noté :  »La légende
véhiculée par le poème d’Aragon chanté par Léo Ferré veut qu’une main ait écrit
« morts pour la France ». Rien ne le prouve. Seul Maurice Benadon, parmi ceux avec
qui nous nous sommes entretenus, a le souvenir d’une telle inscription. » Dans ses
souvenirs intitulés La Belle Age, Lionel Rochman, ancien résistant juif communiste à
Guéret, cité par Annette Wieviorka, évoque explicitement un sentiment de honte :
« Se fussent-ils appelés Martin ou Durand, j’aurais communié dans leur mort et dans
leur martyre. Mais ils s’appelaient Grzywacz et Wajsbrot et Fingercweig et c’était
imprononçable. Oui les propagandistes firent bien leur besogne en imprimant l’Af-
fiche rouge. Oui, après des années de martèlement antijuif, même les résistants se
devaient d’être de bons Français de souche, bien de chez nous. [...] Le pieux men-
songe d’une France communiant secrètement dans la douleur au moment où fut
apposée l’Affiche rouge, mensonge entretenu par notre « bonne conscience natio-
nale », a trop longtemps masqué que la propagande (on dirait aujourd’hui la désinfor-
mation) a le pouvoir de créer de toutes pièces une vérité seconde qui peu à peu supplante la vérité tout court ».

Szlama Grzywacz, Juif polonais

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Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant

Le 21 février prochain, Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon. Quelques semaines après que Macron eut avalisé une loi Darmanin contre les migrant.es votée avec le soutien du Rassemblement national, héritier des fascistes du XXème siècle qui envoyèrent à la mort Manouchian et ses camarades. Nous ne sommes pas partie prenante de ces hypocrisies et de ces manœuvres. Mais, pour nous, c’est l’occasion de rappeler ce que furent les combats de ces immigré.es et de dire leur actualité, alors que les périls d’hier se profilent à nouveau. De parler, non seulement de Manouchian, mais de ses camarades, qu’il aurait été bon d’associer dans la célébration, comme ils et elles le furent dans la mort (une pétition le réclamait d’ailleurs).

Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants

Les nazis avaient, on le sait, recherché « un effet de peur sur les passants » par la diffusion massive de l’Affiche Rouge, indiquant que le groupe Manouchian était composé d’étrangers, souvent juifs. On sait aussi que, en février 1944, moment où l’exaspération contre l’occupant montait, en même temps que se dessinait la perspective de la Libération, la manœuvre des nazis fit long feu.

Les 23 (22 hommes fusillés le 21 février 1944 et une femme décapitée en Allemagne le 10 mai 1944) étaient des militant.es communistes ou sympathisant.es, internationalistes, membres des FTP-MOI, Francs-Tireurs et Partisans- Main-d’Oeuvre Immigrée) organisation immigrée du Parti communiste. Certains avaient combattu en Espagne contre le fascisme, d’autres étaient trop jeunes pour cela, mais étaient menacé.es de mort parce que juif/ves (la moitié des membres du groupe étaient juifs). Mélinée, la compagne de Missak Manouchian avait perdu son père dans le génocide arménien déclenché à partir de 1915, elle devait perdre son mari, assassiné par les nazis : un résumé tragique de l’histoire du XXème siècle. Ces militant.es combattaient aussi pour une France rêvée, celle issue de la Révolution française et du soutien au capitaine Dreyfus, contre la France de Vichy, qui « accomplissait l’irréparable » en ces années.

Ayant réalisé de nombreux attentats, notamment contre des officiers allemands, ils et elle furent traqué.es par les policiers français et finalement arrêté.es en novembre 1943. En 1942-43, ce groupe avait joué un rôle très important dans la lutte armée à Paris contre l’occupant nazi.

Nul ne semblait vous voir de préférence

Malgré ce rôle important, malgré le symbole fort que représentait le groupe Manouchian, sa mémoire fut effacée à la Libération. C’était le temps où le PCF se voulait un parti avant tout français et donnait aux rues et aux places des noms « faciles à prononcer ». Un temps où le gaullisme et le PCF se disputaient la mémoire de la Résistance et la voulaient patriotique, gommant ainsi ses aspects sociaux et révolutionnaires.

Il fallut 10 ans pour qu’Aragon écrive, en s’inspirant de la dernière lettre de Manouchian, des Strophes pour se souvenir, publiées en 1956 dans Le Roman inachevé. Surtout, la mise en musique par Léo Ferré, qui en fit en 1961 la chanson L’Affiche rouge, mit en lumière ces « amoureux de vivre à en mourir ». Quelques années avant 68, ces paroles parlèrent à une génération avide de retrouver la mémoire des combats du passé.

Vous n’avez réclamé ni gloire ni les larmes

Leur action était avant tout un combat contre le fascisme et les racismes nazis, qui s’attaquaient prioritairement aux Juif/ves, mais aussi aux Tsiganes ; une haine de l’autre qui ciblait les homosexuels. C’était un combat pour la liberté. La menace du retour de ces haines est revenue hanter notre présent. Alors que, dans nombre de pays, l’extrême droite relève la tête, arrive même parfois au pouvoir, le rappel du combat des FTP-MOI n’est pas qu’une référence au passé. Il est une arme pour nos luttes d’aujourd’hui.

L’action de ces immigré.es doit être remise en mémoire pour dire combien l’essentiel n’est pas l’origine des un.es et des autres, mais bien leur communauté de pensée, leurs espérances et leur volonté de vivre ensemble. Dans la France d’aujourd’hui, où des bandes fascistes veulent menacer celles et ceux qui viennent d’ailleurs, chassé.es par la misère et les guerres, ce rappel que luttèrent ensemble français.es et étrangers/ères fait partie de nos luttes. Comme il fait partie de notre combat contre l’antisémitisme, d’où qu’il vienne.

C’est pourquoi, la Gauche Démocratique et Sociale (GDS 44) et ENSEMBLE ! 44 tiennent à rendre hommage, non seulement à Missak et Mélinée Manouchian, mais à ceux – et celle – du groupe qui furent assassinés par les nazis.

 

 

Préface de « La révolution des œillets » revue 50 ans après. Enseignements actuels

 

Sans étudier l’histoire on n’a pas d’avenir conscient.

Il ne faut pas faire « table rase » du passé, si l’on veut faire mieux, il faut s’en inspirer.

Ceux qui vont prendre la peine de lire ce livre sur la révolution portugaise d’il y a 50 ans, vont se frotter les yeux.

C’est une révolution qui est en tout point actuelle et riche d’enseignements pour qui vit et milite dans la France de 2024.

On a beau dire que l’expérience est la chose qui se partage le moins, la jeunesse gagnera des années de savoir et de lucidité en étudiant dans ce livre ce qui s’est passé dans les années 1974-1976 dans les entreprises, dans les champs, dans les villes à Lisbonne et à Porto, de l’Algarve à la vallée du Douro.

On y trouve de façon surprenante tous les ingrédients de luttes sociales utiles pour aujourd’hui.

Tous les cas de figure, les plus fertiles, les plus étonnants, d’une crise révolutionnaire ont été à l’œuvre ces années-là au Portugal. Et l’Europe entière s’est penchée sur les événements et s’y rendit : il se disait que c’était « Cuba au bout de l’autoroute du Sud ». Un célèbre dessin parodique de 1975 signé Wiaz en 1975 montrait Marx, Engels, Lénine, Trotski, Rosa Luxembourg penchés sur une carte pour examiner ce qui se passait de si extraordinaire et si explosif dans ce petit pays de 9 millions d’habitants si longtemps étouffé par une immonde et cruelle dictature.

 

Au point que le journaliste Marcel Niedergang dans Le Monde du 26-27 mai 1974 écrira : « Les Portugais qui avaient beaucoup de retard vivent en même temps 1789, 1917, 1936 et mai 68 »

On  trouvera dans ce livre le récit détaillé de l’irruption d’un puissant salariat, des guerres de libération nationales anticoloniales, des grèves de masse généralisées, des manifestations de rues géantes et répétées, des occupations des entreprises, des quartiers, des exploitations agricoles, les soulèvements prolongés avec des comités de masse dans tout le pays, la décomposition des partis bourgeois, de la religion, des institutions et des appareils repressifs, les affrontements et divisions des organisations traditionnelles de la gauche, toutes les questions du syndicalisme, les héroïques batailles décisives pour les salaires, les droits du travail, pour les droits démocratiques et pour le pouvoir politique.

En 24 mois, il y eut six crises successives, six gouvernements provisoires, une montée sociale crescendo haletante, deux élections confirmées avec une nette majorité de gauche, une constitution qui se réclamait du socialisme : la vieille et apparemment inamovible dictature des capitalistes portugais autour de Salazar et de Caetano s’est effondrée dans une immense et profonde convulsion.

Alors chacun a entendu au moins une fois les lieux communs : « les révolutions c’est fini » « le salariat n’est plus révolutionnaire » etc.

Le Portugal démontre que tôt ou tard les plus vieux systèmes dictatoriaux s’effondrent, que rien n’arrête le déferlement des masses quand l’heure est venue, ni la violence de la répression, ni la durée des tortures et mutismes imposés, ni celle des misères et des obscurantismes subis. (Alors vous imaginez ce que c’est et sera dans un pays avec un salariat plus éduqué et beaucoup plus fort). Après 40 ans de souffrance sous Salazar, des millions d’ouvriers d’employés, de paysans se sont insurgés avec une vigueur, un entêtement, une conscience qui a surpris le monde entier.

Prétendument, le salariat est dominé, résigné, écrasé, découragé, vaincu, dit-on. « Les gens (sic) n’ont plus ou pas envie de se révolter » ?

Hé bien, là on a eu l’exemple d’un peuple qui, dès qu’il a vu la porte entr’ouverte, s’est révélé dans un combat prolongé 18 mois, acharné à détruire le vieux régime, à protéger sa liberté neuve, et à conquérir sans relâche les salaires et droit du travail qui lui étaient dus, à défendre sa dignité retrouvée. Il n’y eut pas un seul mai 68, il y eut 18 fois mai 68.

D’aucuns y compris parmi des militants chevronnés, des partis éduqués, ont cru voir dans le MFA, le « mouvement des forces armées », des sauveurs, des révolutionnaires avant-gardistes, ayant même l’image des « guérilleros » comme en Amérique Latine. Otelo de Carvalho alla rendre visite à Fidel Castro, mais ils n’avaient rien à voir ensemble à part fumer un cigare. Les exigences de la théorie se sont imposées : la seule force sociale révolutionnaire c’est le salariat, et non pas un substitut, il n’y a pas de prête-nom, pas de raccourci, pas de détour, pas de junte capable d’improviser et de diriger la marche au socialisme, seules l’expérience et l’action des travailleurs le permet.

Il se dit parfois : « la classe ouvrière est embourgeoisée » « les classes moyennes l’emportent » « la faim, la misère, le chômage, la peur, mais aussi le crédit, le besoin, … empêchent de se révolter ».

Dès le 25 avril 1974, tout cela a été balayé. Et chaque fois que les militaires, les patrons, la droite et les militaires, puis les dirigeants et apparatchiks de gauche, ont voulu les en empêcher et ont tenté de rétablir l’ordre en mai juin 1974, en automne 1974, au printemps 1975, puis en juin, puis en juillet 1975, et enfin dans l’explosion sociale généralisée d’octobre novembre 1975, ils ont échoué. Six fois de suite les masses sont reparties à l’assaut. Ce fut davantage l’ère du salariat que l’ère du peuple. Les théories fausses sur l’unité du peuple, les alliances et collaborations de classes, les « révolutions par étapes », les « blocs avec la bourgeoisie nationale » ont volé en éclat sous les grèves.

D’aucuns prétendent qu’il n’y aura plus jamais d’équivalents des « soviets » de 1905 et de 1917, d’auto organisation, de comités collectifs de base, d‘occupation et de remises en marche d’entreprises par les travailleurs, il y a eu tout ça au Portugal. Y compris les exploitations agricoles occupées. Par tous les moyens les travailleurs libérés ont cherché la voie de leur émancipation, de leur pouvoir collectif, y compris par-dessus leurs partis et leurs syndicats. Et pourtant il y avait eu 40 ans d’étouffoir, salazariste : imaginez donc ce que ce sera quand la même heure sera venue, et elle viendra, dans un pays aux fortes traditions de lutte et d’organisations !

Vous connaissez les « théories » selon lesquelles révolution et démocratie s’opposent, vous avez entendu ces interprétations de la prise du pouvoir du salariat, « par le haut », grâce à des « chefs » ou des juntes éclairées ?

He bien au Portugal, une des batailles décisives a été l’établissement et le respect de la démocratie, la spectaculaire bataille autour du journal « Républica » (qui a été répercutée dans le monde entier) en a été la démonstration. En France à, l’époque, les gauchistes soutenaient les coups de force anti démocratiques des militaires et Libération sous la plume de Serge July, jugeait qu’il ne fallait pas d’élections ni constituante, ni législatives. Étudiez ce livre et vous comprendrez in situ pourquoi la démocratie maximale, pointilleuse, méticuleuse, scrupuleuse, poussée jusqu’au bout, est l’arme des salariés révolutionnaires. Sans démocratie pas d’union, sans démocratie pas de victoire, sans démocratie pas de socialisme et sans partis démocratiques, rien de tout cela.

Les guerres coloniales, c’est lointain, c’est du passé ?

Non bien, sur : la plus longue guerre coloniale se déroule en Palestine depuis 75 ans. Et comme dans toutes les guerres coloniales, les colons sont d’une férocité à toute épreuve, ils massacrent sans pitié les peuples dont ils se sont accaparés les terres, le travail, les vies. Et les « libérateurs » sont conduits eux aussi à utiliser des violences terroristes, des crimes de guerre contre les civils, contre l’humanité. Ce fut le cas en Angola comme en Algérie ! Les troupes salazaristes furent sans pitié, et en face la sauvagerie se développa comme en miroir. Apprendre des luttes de libérations nationales au Mozambique, en Angola, en Guinée, à Timor… c’est aussi d’actualité

Il avait été dit qu’un peuple supplicié pendant 40 ans sous Salazar manquerait de culture, manquerait de conscience, manquerait de savoir-faire révolutionnaires.

On a vu le contraire, on y a vu les soulèvements prolongés, à répétition jusqu’aux coins les plus reculés du pays, et malgré le vieil obscurantisme religieux, l’analphabétisme, on a vu les meilleures traditions enfouies resurgir, les réflexes les plus farouches contre tout retour en arrière, une vigilance aigue pour la liberté, pour la démocratie. Des manifestations répétées de plus d’un million de personnes dans un pays de 9 millions d’habitants c’est comme des manifestations de 6 à 7 millions en France ! Et les grèves avec occupations d’entreprises ou d’exploitations agricoles ont été profondes tenaces, opiniâtres, inventives, courageuses, elles ont dépassé tous les blocages des appareils, tous les freins retors des bureaucrates, allant – c’était inédit dans l’histoire – au point culminant jusqu’à séquestrer le sixième gouvernement provisoire et le forcer à se déclarer en grève à son tour.

Le syndicalisme avait été organisé de façon verticale bureaucratique avec une main de fer sous la dictature de Salazar : mais quand la libération est venue, les salaries ont su débattre de l’unité syndicale contre l’unicité syndicale, ils voulaient rester unis mais ils voulaient la démocratie, le pluralisme, et fut mis à l’ordre du jour la recherche d’un syndicat de masse, de classe, indépendant, avec démocratie avec tendances. C’est une leçon qui concerne encore toute l’Europe.

Les élections étaient truquées, manipulées de 1934 à 1974 sous l’horrible dictature du « Doutor » mais les 25 avril 1975 et 25 avril 1976, quand les travailleurs ont pu voter librement, la participation a été massive, et ce sont les partis de gauche qui ont gagné deux fois de suite, en relation avec la mobilisation sociale. L’erreur de mai 68 (« élection piège à con » sic) fut évitée au Portugal. Méditons : il n’y a pas d’insurrection civique sans insurrection sociale, c’est la force sociale mobilisée qui permet de gagner des scrutins réputés difficiles.

Ceux qui qualifiaient déjà, après mai 68, le PS de « bourgeois », de parti de droite, ou pire qui écrivait, comme la LCR en 1969, « la social-démocratie est définitivement morte » en ont été pour leurs frais. Il leur a été obligatoire de revoir leur théorie sur la « nature de classe du PS » sous peine d’être incapables d’expliquer pourquoi le PS portugais était redevenu le principal parti de gauche. Qu’est ce qui faisait de Mario Soares le dirigeant principal de la gauche ? A moins de croire que le salariat votant PS était « de droite » et de ne savoir expliquer pourquoi il faisait tellement grève et était tellement décidé à aller le plus loin possible dans la révolution sociale. Il a fallu, pour beaucoup, ré apprendre les liens entre réformisme et révolution, comment se faisait le passage de l’un à l’autre, comment naissait à une échelle de masse la conscience de classe dans un processus de transition au socialisme et de révolution permanente. Empiriquement des millions de travailleurs apprennent que s’ils ne vont pas jusqu’au bout, tout ce qu’ils gagnent leur sera repris.

Le PCP en 1974 était incontestablement stalinien, dans on histoire, dans sa culture, dans ses théories. Au départ ses dirigeants dont Alvaro Cunhal eurent le prestige de ceux qui avaient le plus courageusement combattu la dictature aux prix d’énormes sacrifices humains héroïques. Mais il en était encore à la troisième période de l’Internationale communiste, (du Comintern de 1929 à 1935) et son ennemi était le social -fascisme plutôt que la bourgeoisie. Et sa manière d’imposer autorité sur les masses, de subordonner les grèves à son contrôle bureaucratique, à ses alliances avec les militaires du MFA, avec ses projets de « révolution nationale », d’alliance avec les représentants de la bourgeoisie (tout en luttant contre l’ennemi déclaré n°1, le PS) l’ont peu à peu marginalisé. Il resta aux dirigeants de bien des PC, ayant rompu avec le stalinisme russe a rompre avec ce genre de théories et à comprendre que la politique déterminée et durable de front unique est le seul moyen de gagner la majorité de la classe salariale.

C’est en pleine actualité en France à l’occasion des 50 ans de la révolution portugaise de 1974-1976 : union ou division. Front unique ou guerre au sein de la gauche ?

A Lisbonne et Porto ils se sont faits la guerre à coups de manifestations de centaines de milliers de partisans les uns contre les autres. Cela a duré de mai à septembre 1975.

L’ère du peuple ou l’ère du salariat ?  Révolution par étape ou révolution permanente ? Transition au socialisme ou étape bourgeoise nationale ?

Dans la France de 2024 comme dans le Portugal de 1974, ce sont les mêmes questions, on  ne peut toujours pas passer par-dessus les partis de gauche, on ne peut toujours pas les déclarer « morts », rejetés dans le « néant », ni les traiter de « nains jaunes », il faut toujours faire avec, il faut les entrainer dans l’union sur le meilleur programme d’action et de transition possible, c’est la seule façon de répondre aux besoins objectifs puis subjectifs de la masse des salariés, aux traditions, et… de les dépasser, de les entrainer dans une dynamique majoritaire pour aller jusqu’au bout dans la transformation sociale et la prise du pouvoir par le salariat dans des institutions nouvelles.

Dans la France de 1974, on la chance d’avoir un salariat encore plus puissant que dans le Portugal de 1974, puisqu’il fait 90 % des actifs. Mais il n’y a pas de grand parti de gauche démocratique et pluraliste, or c’est ce qui a manqué au point culminant de la révolution portugaise lorsque les appareils de gauche après avoir usé les travailleurs par une division féroce entre eux, ont freiné au maximum la révolution qui leur échappait, et puis le 25 novembre quand les masses sont allées seules unies jusqu’au bout de leurs forces et de leur conscience séquestrer le gouvernement… Ils (PSP, PCF, extrême-gauche) ont laissé le vide s’installer, ce qui était la pire des trahisons. C’est alors que le révolutionnaire prétendu le plus avancé gourou des militaires du MFA s’est rendu, capitulant sans un seul geste de combat devant le plus fasciste de ses bons amis militaires.

Pourvu que cela ne nous arrive pas en France à la prochaine échéance similaire qui ne manquera pas de se produire : il manqua ce 25 novembre 1975 historique, au Portugal, un grand parti de gauche unitaire avec une direction collective démocratique et pluraliste, sur un programme de classe.

Ce ne pouvait pas être l’extrême gauche qui joue ce rôle à Lisbonne, elle était la plus forte d’Europe et la plus nulle politiquement. Vous allez le lire dans le livre en détail, elle se perdit en criailleries maoïstes, en guerre de faux leaders, en gourous auto proclamés, en gauchistes groupusculaires donneurs de leçons, dans des querelles pseudo théoriques multiples qui passaient à côté de l’essentiel, répercutant sans la comprendre la division PS-PCP. Même l’extrême-gauche, la plus avisée (hors maoïsme) fut incapable à la fin, y compris à travers l’ultime tâtonnement pour faire un « FUR » (« Front d’Unité Révolutionnaire ») en septembre 1975. En guise de « front », d’unité, elle fut incapable d’y inclure le PS qu’elle vouait aux gémonies et elle finit par en exclure le PCF… cette extrême-gauche mobilisait pourtant, à son apogée, des manifestations de 500 000 personnes ce qui était énorme, mais elle fut, elle aussi, absente et incapable le 25 novembre quand le jour décisif fut venu, d’avancer une « formule de gouvernement » pour que le salariat qui était là, prêt, disponible, physiquement aux portes du Palais, prenne le pouvoir politiquement.

Étudions tout ça. Débattons de tout ça. Ce sera du temps gagné !

Février 2024, Gérard Filoche

 

 

Séparatisme anti social : Macron accélère la séparation de la France en deux

Pendant sept ans, la politique de Macron est d’une violence anti sociale sans précédent. La bonne grille de lecture de sa politique, c’est de comprendre qu’il est un libertarien, certes contrarié, car il ne peut appliquer tout sa politique d’un coup, mais il avance inexorablement comme il l’avait annoncé en 2016, pour une société sans statut, post salariale, en rognant le droit du travail, en développant l’ubérisation, en supprimant peu à peu les cotisations sociales. Il chasse les salariés du salariat et il chasse les chômeurs du chômage.

 


Il a systématisé les cadeaux, les aides, les allègements, par centaines de milliards, aux riches et puissants, il effectue un transfert massif de l’argent public au privé et favorise tout ce qui va dans le sens des privatisations, de l’individualisation, de la destruction progressive du secteur public. Il creuse le fossé entre « deux France en France », la France des poignées de dominants, de décideurs, des prédateurs, autour des milliardaires, du CAC 40, des « élites », de l’oligarchie, des financiers, des rentiers, des possédants contre la France de l’immense cohorte des salariés exploités, du travail mal payé, précaire, soumis, miséreux, exclu de toute existence sociale. Débattre avec des « macroniens » quand on en rencontre, c’est débattre avec des installés, des parvenus, des suffisants qui disent « – Moi, j’ai réussi, tout un chacun peut le faire, ceux qui n’en sont pas, ils n’ont qu’à travailler, c’est leur faute ». Ils ont une mentalité sans aucune solidarité sociale, sans aucune responsabilité collective, c’est chacun pour soi et que les plus forts l’emportent.

 

 

Ce dont on ne s’est peut-être pas suffisamment aperçu lors de sa conférence de presse du 16 janvier 1924 : Macron a parlé à lui seul comme 10 secrétaires d’état, étalant une pratique du pouvoir omnipotente, se substituant à lui seul au Parlement, gérant toute la vie du pays dans les moindres détails, se comportant à la fois comme un maire un conseiller général, un député, machant le travail du gouvernement fantoche qu’il s’apprêtait à nommer,  dictant la feuille de route des ministres de l’éducation, de l’économie, de la santé, de l’intérieur. En fait, après avoir commis d’immenses ravages, notamment avec ses lois Pénicaud anti-droit du travail, ses lois Philippe anti SNCF, ses lois Borne-Dussopt anti-retraite, et ses lois Darmanin anti-immigrés, il l’avait annoncé, le 16 janvier, il voulait allait créer un « choc ». Il l’a fait : il a passé la « surmultipliée », il a augmenté le braquet, et il l’a dit de façon explicitement menaçante : « j’ai encore trois ans et demi (à faire) j’irais jusqu’au bout »

 

Séparer l’école des riches et l’école des pauvres :

 

D’où ses excentricités contre l’école de la république : si l’on veut conforter l’élite, son savoir et sa fortune, il faut conforter les écoles privées, les grandes écoles publiques, et fermer la porte aux lycées professionnels, généraliser l’apprentissage manuel, diviser les élèves en groupes de niveaux. Il a annoncé son choix d’aggraver officiellement la sélection à l’école en créant des « niveaux » distincts entre les méritants et les décrocheurs tout en cherchant à le masquer sous un uniforme et un « service national » obligatoire pour raser et discipliner les récalcitrants.  Des dizaines de milliards vont ainsi être dépensés pour l’uniforme et la discipline au lieu d’être distribués pour une meilleure qualité de l’enseignement pour tous. Les fils de riches s’en sortiront, les fils de pauvres seront matés : sa politique est aussi brutale que ça : « Dans l’École publique on va distinguer les élites par niveau et dans le SNU on va raser la tête des autres au cordeau ». Son annonce a été trop brutale et a choqué l’opinion puisque l’interprète sans nuance de sa pensée, la grande bourgeoise Amélie Ouvéa-Castéra, a suscité aveu après aveu, bourde après bourde, une vive opposition des syndicats enseignants. Cela l’a obligé à s’en débarrasser mais il compte sur son premier ministre fantoche et obligé Gabriel Attal et la remplaçante non moins obligée Nicole Belloubet pour continuer sa destruction de l’école publique.

 
Séparer les riches agriculteurs des petits et moyens agriculteurs

 
Macron a pratiqué de la même manière dans sa politique agricole : il s’est servi de l’appui et des manipulations de la FNSEA pour contrer le soulèvement des petits et moyens paysans. Il a réussi à intoxiquer suffisamment pour diminuer les normes sanitaires et sociales des gros exploitants, pour justifier « moins de contrôles » et repousser sine die l’interdiction des pesticides cancérigènes.  (le sort des pesticides ressemble de plus en plus à celui de l’amiante : les lobbys ont réussi à repousser l’ interdiction de celle-ci de 1906 à 1996, causant 100 000 morts, 3000 par an, les jugements tardifs et les « réparations » aléatoires et a minima n’ayant pas compensé les profits réalisés). Macron et son ombre le ministre FNESA Fresmeaux, n’a pas touché à la répartition des subventions dont 80 % va aux 20 % des plus riches paysans. Macron n’a pas touché à la grande distribution en refusant des prix planchers et un contrôle légal des marges : Auchan, Leclerc, Intermarché, Carrefour… continuent d’organiser la spéculation massive et l’inflation odieuse sur les produits alimentaires engrangeant des dizaines de milliards de profit et dividendes supplémentaires. Macron n’a pas touché aux accords de libre échange ni avec le Chili ni avec la Nouvelle Zélande, se contentant d’une fausse promesse sur l’accord avec le Mercosur.En fait il a accru l’organisation du séparatisme, de la division du travail en faveur de la grosse agriculture exportatrice (céréales, vins et spiritueux, porc..) et contre la petite agriculture et élevage à circuits courts, « bio » et de qualité à circuits courts, qui sera coulée par les produits incontrôlés et de basse qualité importés d’Argentine, du Chili, du Pérou.. . Les riches mangeront bio, plus chers et les pauvres subiront la malbouffe, tel est le monde agricole de Macron qu’il vient de confirmer avec tous les mensonges et l’hypocrisie nécessaire pour dévoyer le mouvement des paysans.

 
Macron Attal habillent le séparatisme de classe au nom de la défense des classes moyennes

 
Mais c’est un leurre, il n’existe pas de « classe moyenne » encore moins « des » « classes moyennes » https://marianne.net/agora/humeurs/il-n-y-pas-de-classe-moyenne-ni-des-classes-moyennes…via @MarianneleMag. Il  existe un grand salariat, 90 % des actifs, nous sommes 30 millions, et c’est justement à ceux-là que la politique économique de Macron s’en prendIl continue à bloquer les salaires nets et bruts,  à diminuer les drastiquement cotisations sociales,  et alléger les obligations coailes des patrons des grandes entreprisesIl augmente de 10 % les taxes sur l’electricité et bientot de 5 % de gaz sachant qu’il frappe en premier lieu le bas et le milieu du salariat et de façon générale tous les plus démunis.
En vue des Jeux olympiques ils augmentent les tarifs du métro de 90 % des transports, laissent les propriétaires louer leurs logements avec des hausses de 300%. Mais, alors qu’il y a 6,1 millions de chômeurs (un taux réel de 11,4 %) ils pillent illégalement le salaire de 45 000 pigeons prétendus bénévoles  qu’il refusent de requalifier en salariés et de payer décemment alors qu’ils vont bosser dur et de façon tout à fait « subordonnée » : “non rémunérés, les 45 000 volontaires qui ont été sélectionnés par le Comité d’organisation des Jeux (Cojop) auront à leur charge les frais de transport et d’hébergement liés à leur présence sur l’événement” https://lemonde.fr/sport/article/2024/01/19/paris-2024-les-volontaires-trouveront-a-se-loger-par-des-relations-assure-le-delegue-interministeriel-aux-jeux_6211755_3242.htmlPar contre le dirigeant des JO se paye 273 000 euros et s’épargne des impôts en les faisant verser à une société intermédiaire à son nom ! Quel spectacle, quelle injustice au nom de la prétendue gloire olympique ! Le séparatisme triomphe là où ils prétendent donner des exemples de civisme et de mérite. Par contre, à l’opposé des 45 000 bénévoles,  42 milliardaires français ont gagné  230 milliards de plus depuis 2020 et ce sont ceux qui paient le moins d’impôt en proportion. Les actionnaires ont gagné + 80,1 milliards en 2022, et + 97,1milliars en 2023. C’est un pillage sans limite des frutis du travail.
A-t-on idée de la dépense globale d’argent public qui a été allouée, depuis 7 ans, pour défendre, par les forces de leur ordre, les intérêts d’une frange parasitaire et ultra minoritaire de la population française qui vole les gens et détruit les communs dans une morgue assumée… ?
Karl Marx : « Le capital a une unique pulsion vitale : se valoriser [...], pomper avec sa partie constante, les moyens de production, la plus grande masse possible de surtravail. Le capital est du travail mort, qui ne s’anime qu’en suçant – tel un vampire – du travail vivant… »
Macron n’est pas à une contradiction près, il a promis, par la bouche d’Attal, aux agriculteurs, sous prétexte « d’alléger les normes », « de ne plus faire qu’un contrôle par an » (sans doute en téléphonant avant ? et alors que Darmanin promettait de traquer le travail illégal de l’immigration clandestine… et c’est dans les champs qu’il y en a le plus).  Et puis, il a promis « 10 000 contrôles » sur les prix de la grande distribution, sachant qu’il n’a pas les effectifs de contrôleurs et qu’ils ne seront jamais réalisés.  Par contre aucune sanction contre Nestlé dont il s’est révélé qu’il trafiquait des milliards de bouteilles d’eau frelatées avec la complicité du gouvernement, (qui fut le conseiller de Nestlé, dans le rachat de Pfizer alimentaire ? Macron ! – qui aurait empoché 2 millions en cette occasion, dont il n’y a plus trace dans son patrimoine déclaré). Aucune sanction contre Lactalis qui triche sur les prix du lait, pas de représailles contre les dirigeants responsables d’Airbus (dont les manœuvres scandaleuses ont obligés Airbus à payer 3,5 milliards d’amende pour fraude fiscale internationale). Macron est à la fois le champion des déficits, de la dette, et des centaines de milliards (207 milliards d’assistanat à fond perdus aux patrons en 2022) pris sur les impôts des salariés et reversés sans condition, sans retour et sans contrôle aux grandes entreprises – lesquelles se comportent en voyous, arrosent leurs actionnaires et spéculent dans les paradis fiscaux).Si les grandes entreprises avaient besoin d’aides, elles ne distribueraient pas de dividendes aussi considérables. Ce ne sont donc pas seulement les ETI PMI « moyennes » sous-traitantes qui trichent le plus mais bien les « grosses » par vice du système capitaliste de recherche du profit maximum. Macron bloque les points d’indices des 5,5 millions de fonctionnaires (environ 27 % de recul de pouvoir d’achat en 30 ans) mais laisse les 577 députés s’augmenter de  + 300 euros par mois et les 348 sénateurs de + 700 euros par mois soit + 2 077 300 euros à l’assemblée et+ 2,9 millions au Sénat Jamais la France n’a été aussi riche et les richesses aussi mal reparties ;

 

le séparatisme Macronien entre riches et pauvres, exploiteurs et exploités, implique que des centaines, sans doute même un millier de milliards depuis six ans, ont été volés par Macron au salariat, à la Sécu, aux services publics. Même les congés payés : ils veulent les faire passer en compte épargne temps pour les reporter et les .. monétiser.  Le CNPF veut que, quand on est en maladie, ça supprime nos droits à congés payés, et pour ça, il mène campagne contre l’Europe, qui, elle, le permet ! Macron se dit « européen » mais se fou de l’Europe quand elle ne lui convient pas : il appuie le patronat et aussi quand  il est question de « présomption de salariat », il défend Uber  et Deliveroo, contre la requalification des 30 millions des travailleurs de plateformes voulue par l’Europe en salariat (et les avis du parlement européen, et de la commission balayée par Macron… et Orban !) (Cf. le travail de la députée Leila Chaibi)

 
Casser les droits des salariés, casser les droits des chômeurs :

 
Attal a annoncé une « nouvelle étape du droit du travail après l’été pour négocier directement certaines règles entreprise par entreprise » : il s’agit de « bouger les seuils » notamment. C’est à dire de n’imposer des délégués du personnel, qu’à partir de 21 salariés et non plus à partir de 11…  ce qui laisserait 4,2 millions de salariés sans représentation, généralement là ou il y en a le plus besoin. Attal, a annoncé qu’il supprimait l’ASS pour le RSA sachant que l’’ASS est 545€ le RSA est 607€ mais que l’ASS permet de percevoir les allocations logement au contraire du RSA où un forfait logement est appliqué et que l’ASS « déconjugalisée » peut être cumulée avec d’autres sources de revenus jusqu’à 1.271,90€ mais pas le RSA, on voit une sorte de sadisme acharné dans la façon de « faire payer les pauvres »Attal a annoncé une durée maximale d’indemnisation des chômeurs qui passerait alors de 18 mois à 14,4 mois pour les moins de 53 ans, de 22,5 mois à 18 mois pour les 53-54 ans et de 27 mois à 21,6 mois pour les 55 ans et plus ». Les chiffres parlent ! : les économies prévues par Macron via #accord #assurancechômage c’est 440 millions sur le dos des  seniors; 950 millions avec la réduction du nombre de jours indemnisés (30 au lieu de 31); 870 millions sur les  « créateurs » (sic) d’entreprise. Soit 2,260 milliards d’économies à la clé sur le dos des chômeurs
« Cash investigation » a diffusé une émission : « travail de malade, malade de travail » ! Ce que, après tant d’autres d’entre nous, François Ruffin appelle à juste titre le « maltravail ».
La France est devenue sous Macron la championne d’Europe des accidents mortels du travail : 903 AT mortels au travail, 700 suicides au travail, 4500 handicapés du travail, 650 000 arrêts de travail – et la Cour des comptes le 7 déc. 2023 précise que les patrons n’en déclarent qu’un sur deux – comme les maladies professionnelles ! Mais Macron si prompt à inventer et à proclamer des « grandes causes nationales » n’a encore rien fait. Pas davantage pour la reconnaissance et la réparation des maladies professionnelles dont le nombre s’aggrave chaque jour. Macron et sa ministre Vautrin – après Dussopt – refusent de protéger le travail face aux variations extrêmes de température au-delà de 32° et en deçà de – 14° alors que ce sont des causes grandissantes de mort au travail.

 

 

Punir à tour de bras : les locataires et les malades

 
On enrage quand on voit tous les aspects de la politique anti-sociale surmultipliée de Macron en ce début 2024 :  il nomme « ministre du logement » un député LREM qui a bataillé pour punir de peines de prison les locataires qui ne peuvent pas payer leur loyer, ! Il introduit les « logements intermédiaires » dans le décompte des logements « sociaux » brisant ainsi les obligations de loi SRU et épargnant aux maires de remplir les quotas en vigueur de construction de logement social.  Après avoir taxé l’accès aux urgences, il double les franchises pour les médicaments, il hausse les frais dentaires, il envisage des pénalités pour les rendez-vous manqués à l’officine privée Doctolib.  Mentionnons le prix inouï qu’atteignent les transports en commun : un trajet Rennes-Dijon aller-retour en train coute en semaine entre 200 et 400 euros, une famille ne peut se le payer, et l’usage d’une voiture pourtant rendue couteuses par le passage obligé du pétrole à l’électrique est un prix moins exorbitant mais aussi insupportable. Comment en est-on arrivés là ? : « – Je n’aime pas la bagnole » dit Macron qui est un dictateur sur tout : c’est incroyable la « leçon » anti sociale, anti transport collectif, anti écologique que ça donne.Le prix du train sous Macron est à l’image de tout son régime, de toute sa politique On a là, à travers tout ça (et notre énumération n’est pas exhaustive) le spectacle d’une société éclatée, brutalement séparée en classes, l’une triomphante insolente avec tous les droits, l’autre exploitée et traquée dans ses moindres petits droits : c’est ça Macron. Il est de salut public de le renverser.
Gérard Filoche
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Depuis le début macron ment sur les vrais chiffres du chômage

Haro sur les chômeurs 

depuis le début macron ment sur les vrais chiffres du chômage. il a commencé des 2017 en remplaçant la comptabilité et l’affichage public des chômeurs jusque-là effectuée par la dares et pole emploi, par celle du bit. ça consiste à ne retenir que la « catégorie a » et à ignorer les catégories b, c, d et e.

La notion de demandeurs d’emploi inscrits à pôle emploi est différente de celle de chômeurs au sens du bureau international du travail (bit). selon les normes du bit, un chômeur est une personne âgée d’au moins 15 ans qui :

  1. n’a pas travaillé du tout au cours de la semaine de référence.
  2. est disponible pour travailler dans les deux semaines.
  3. a recherché activement un travail dans le mois précédent, ou a trouvé un emplois qui commence dans les trois mois.

 

Selon Pôle emploi et la Dares :

La catégorie A désigne les demandeurs d’emploi qui sont sans emploi et qui sont obligés d’effectuer des actes jugés positifs… de recherche d’emploi.

La catégorie B désigne les demandeurs d’emploi qui ont déjà pratiqué une activité réduite de courte durée soit 78 heures ou moins par mois

La catégorie C est celle des demandeurs d’emploi qui ont déjà pratiqué une activité dépassant les 78 heures.

La catégorie D regroupe les demandeurs d’emploi qui ne sont pas toutefois tenus d’effectuer des actes qualifiés de positifs de recherche d’emploi parce qu’ils sont en situation de stage, de maladie ou de formation.

La dernière catégorie dite catégorie E est réservée aux demandeurs d’emploi qui ont déjà un travail partiel et qui ne sont pas tenus de réaliser des actes positifs de recherche d’emploi.

En changeant les règles de calcul, il prétend qu’il y a autour de 7 % de chômage alors qu’on est en est toujours autour de 11 %.

Et la loi chômage Macron Penicaud, Borne, a été « une tuerie » : elle a prévu de diminuer la durée d’indemnisation selon le taux de chômeurs recensés : exemple, si le taux passe en dessous de 7 %, la durée d’indemnisation est baissé de 25 %. D’ailleurs le gouvernement a mis son veto à l’accord paritaire de novembre 2023 signe par le Medef et la CFDT.  Concrètement, cela signifie que les maigres avancées obtenues par les syndicats (la réducon du seuil d’ouverture des droits de six à cinq mois pour les «primo entrants» sur le marché du travail et les saisonniers, un léger assouplissement du calcul de l’indemnisaon et un élargissement du nombre de personnes exemptées du principe de dégressivité de l’allocation) pourront rester suspendues à un accord du gouvernement jusqu’à fin juin 2024. De même, côté patronal, pour la baisse des cosaons employeurs de 4,05 % à 4 %.

Lemaire et Dussopt veulent repousser de 55 à 57 ans l’âge d’accès à une indemnisation plus longue suite au report de la retraite à 64 ans.  Le patronat a donc proposé de repousser de deux ans les bornes d’âge à partir desquelles les salariés les plus expérimentés peuvent bénéficier d’une indemnisation rallongée : 53 et 54 ans pour avoir 22,5 mois, 55 ans et plus pour avoir 27 mois (contre 18 mois pour les autres).

 

Macron Lemaire veulent encore davantage faciliter les licenciements : Il propose de mettre fin à la « rupture conventionnelle » (pourtant souvent utilisées à l’initiative des patrons). « Les salariés vont être les dindons de la farce » a déclaré Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Créé en 2008, ce mécanisme offre la possibilité à un employé et à son employeur de résilier le contrat de travail de manière amiable. Lorsqu’un accord est conclu, cela autorise le salarié à quitter l’entreprise tout en bénéficiant par la suite d’indemnités de chômage, une option qui n’est pas envisageable en cas de démission ou d’abandon de poste. Leur nombre a ainsi considérablement augmenté ces dernières années, passant la barre des 500.000 en 2022. Le gouvernement compte ainsi durcir les règles afin de lutter contre le chômage, remonté à 7,4% au troisième trimestre 2023. « La rupture conventionnelle a été mise en place il y a 15 ans pour permettre aux patrons de licencier des salariés sans être contraint par le droit et le coût d’un licenciement. On observe un renversement de l’histoire. Le patronat et le gouvernement estiment que cela n’est plus nécessaire car les entreprises peuvent licencier quand et comme elles veulent sans avoir besoin de la rupture conventionnelle. »  Le gouvernement a déjà renforcé le contrôle du dispositif. En septembre dernier, les prélèvements sociaux sur les indemnités de départ ont été relevés. Initialement établis à 20%, ils ont été portés à 30% dans le cadre de la réforme des retraites.

Au total, Macron expulse les salariés du salariat et les chômeurs du chômage.

Tout cela pour encourager les prétendus « autoentrepreneurs » : sortis des chiffres du chômage, ils sont maintenant 2,4 millions. Plongés dans la misère et dans l’hyper précarité, ne bénéficiant d’aucun des droits d’un salarié, ils pédalent pour Uber Eats ou Deliveroo et représentent l’idéal macronien, libertarien : pas de statut, pas de code du travail, pas de convention collective, pas de droits, pas de loi, pas de Sécu, pas de retraite.

Jusqu’où Macron,Dussopt, Borne Lemaire iront -ils ?

 

Seuls freins récents : la députée Danielle Simonnet a publié une enquête parlementaire qui a établi clairement les liens pervers entre Macron et Uber. La députée européenne Leila Chabi qui avait reussi a faire voter en septembre 2021 au Parlement européen un projet de directive en faveur de la « presomption de salariat » vient de remporter une deuxiéme manche auprès de la Commission : deux avancées pour les travailleurs ubérisés :

1°) La charge de la preuve est renversée : ce n’est plus au travailleur de prouver au juge qu’il est subordonné. C’est l’employeur qui devra prouver que le salarié est indépendant

2°) La requalification d’un travailleur en salarié entraîne l’obligation pour les autorités de vérifier que tous les autres travailleurs de la plateforme ne sont pas eux aussi de faux indépendants

 

 

 

Contre la guerre : dernier discours de Jean Jaurès Lyon-Vaise, le 25 juillet 1914)

 

Citoyens,

Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus menaçante et plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole. Ah! citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demie heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.

Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, sSi la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera avec l’Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés. Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France et la Russie dira à la France :

« J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie, il faut que la France vienne prendre place à mes côtés. » A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.

Voilà, hélas! notre part de responsabilités, et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.

Et alors notre ministre des Affaires étrangères disait à l’Autriche:

« Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie. « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité. »

Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien! citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire « Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie. « Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soi-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche « Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine. « L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts. »

Dans l’entrevue que le ministre des Affaires étrangères russe a eu avec le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche: « Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople. » M. d’Ærenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : « C’est mon tour pour la mer Noire. » – « Quoi? Qu’est-ce que je vous ai dit? Rien du tout !« , et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre M. Iswolsky, ministre des Affaires étrangères de la Russie, et M. d’Ærenthal, ministre des Affaires étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie.

C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant.

Si depuis trente ans, si depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine; elle a voulu la convertir par force au catholicisme; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ces peuples.

La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.

Eh bien! citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Vous avez vu la guerre des Balkans; une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe: ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et, de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements. Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix.

 

Il y a 30 ans 16 janvier 1994 manifestation géante pour l’École publique et début de la déroute de Balladur sur le CIP

Un million pour l’école publique contre Bayrou

Sur le terrain de l’école privée, Balladur et Bayrou connurent un grand malheur, pourtant prévisible. François Bayrou, alors ministre catholique de l’Éducation, crut pouvoir poursuivre, dans la lignée des lois Debré- Guermeur, les concessions accordées à l’école privée en 1984 en fonction des accords Lang-Cloupet. Il osa proposer d’abroger la loi Falloux, qui limitait les aides à l’école privée. Mal lui en prit : il se heurta à une résistance parlementaire, notamment conduite au Sénat par Jean-Luc Mélenchon, et à un appel intersyndical pour une montée nationale à Paris le 16 janvier 1994.

Même les dirigeants de la gauche ne le comprirent pas tout de suite. En appelant à cette montée sur Paris, ce dimanche 16 janvier, ils croyaient qu’il y aurait si peu de monde qu’ils choisirent la petite place de l’Opéra comme lieu de rassemblement et n’imaginèrent qu’un seul parcours. En fait, il y eut un million de manifestants, un des plus grands rassemblements nationaux de notre histoire. Paris fut paralysé de bout en bout, les Bretons à eux seuls mirent trois heures à défiler entre République et Nation, des centaines de milliers d’autres gens ne réussirent même pas à bouger en dix heures de manifestation. Le cortège s’étala du XVIIe arrondissement jusqu’à Nation en passant par Opéra et République. Le peuple laïque saisissait cette occasion pour réussir enfin cette grande manifestation nationale que le Cnal n’avait pas su organiser dix ans plus tôt. Elle fut plus grande que celle des Versaillais pour l’école libre en juin 1984. Stupeur à droite !

Entre-temps, Michel Rocard était devenu premier secrétaire du PS, succédant à Pierre Mauroy et à Laurent Fabius. Mais on vit tout de suite ses limites : il ne sut même pas exploiter cette exceptionnelle situation, il déclara que ce n’était pas une « manif de gauche » et n’exigea même pas le départ de François Bayrou !

La pétition de masse pour les 35 h sans perte de salaire

Les conflits sociaux remontaient : dans le commerce parisien avec le Sycopa (dirigé par Patrick Brody), à Chausson, à Sud Marine, à Chantelle (Nantes), aux télécoms, à Elf-Aquitaine, où l’usine de production de Lacq a fait grève pendant dix-sept jours, avec la CGT dirigée par Jean-Yves Lalanne, à Péchiney, à Tampax (Tours), à Saint-Yorre, à Steelcase-Strafor, à Canon France, à GEC-Alsthom (Le Havre), à Sopalin (Sotteville-lès- Rouen)…

Trois responsables syndicaux, Raymond Vacheron (CFDT Hacuitex Le Puy), Bruno Lemerle (CGT Peugeot-Sochaux) et Jean Louis Mourgue (FO PTT Île-de-France) lançaient un appel pour les « 35 heures sans perte de salaire » afin d’en finir avec le chômage de masse. Ils obtenaient dès le départ le soutien de 1 000 syndicalistes unitaires, 400 de la CGT, 320 de la CFDT, 130 de FO, 170 d’autres syndicats, dont les enseignants. L’appel, soutenu à fond par notre revue Démocratie et Révolution, recueillit des milliers d’autres signatures de responsables syndicalistes.

Pour nous, il fallait centrer sur une revendication unifiante et populaire capable de traduire les aspirations à la lutte contre le chômage et à la redistribution des richesses. Toutes les forces de notre modeste courant, en passe de se libérer de la tutelle de la LCR, s’investirent dans le mot d’ordre « 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire ».

 

Le CIP de (Delors à) Balladur (avant Villepin et son CPE)

À peine un mois après la mobilisation contre la remise en cause de la loi Falloux, Édouard Balladur, s’inspirant du « livre blanc » de Jacques Delors paru quelque temps plus tôt, proposa un « smic-jeunes », le contrat d’insertion professionnelle ou CIP. Il est significatif de voir à quoi servent les sociaux-libéraux, néo-centristes : ils produisent des « livres blancs » qui servent d’alibi à la droite à mettre en route les pires projets. Il s’agissait de « lutter contre le chômage des jeunes en… les payant moins », c’est-à-dire 80 % du Smic.

 

Le CIP provoqua, à son tour, huit ans après Jacques Chirac, une vigoureuse mobilisation de la jeunesse. Elle se prépara en février et dura tout le mois de mars 1994. La montée en puissance des manifestations obligea Balladur à reculer inexorablement. Un processus bien connu depuis la loi Debré de 1973 se remit en place. Un rassemblement organisé grâce à l’Unef-ID, la FIDL et la CGT se tenait le jeudi 3 mars, puis il y avait un premier cortège de 15 000 étudiants et lycéens. Le 10 mars, 20 000 personnes manifestaient contre le CIP à Paris, et le mouvement s’étendait dans des dizaines de villes de province. Le 12 mars, la CGT mobilisait contre le chômage massivement à Paris, à Marseille, à Toulouse, à Metz. Les jeunes participèrent. Les 17, 25 et 31 mars, semaine après semaine, l’importance des manifestations allait croissant. Des coordinations s’installaient.

Le gouvernement tergiversait, consultait, laissait entendre qu’il allait revoir le projet de Smic-jeunes. Il y avait alors 23,8 % des jeunes au chômage ; 20 % du Smic en moins, cela faisait baisser le salaire de 5 886,27 francs à 4 700 francs brut. Les jeunes s’entêtaient, refusant tout compromis, ne laissant aucune issue au gouvernement.

Le 28 mars, Michel Field se souvint de sa jeunesse de 1973 : il anima une émission spéciale télévisée en direct avec 400 jeunes sur le plateau. De mémoire, ce fut une émission triomphale pour le mouvement en cours. Les jeunes crevaient l’écran, ils faisaient bloc, argumentaient, convainquaient. Ils refusaient de dénoncer les « casseurs de fin de manif » qu’on leur opposait encore : « Les casseurs sont nos copains », « Retrait du CIP ». L’émission, au lieu de désamorcer la crise, rendit son issue inévitable.

Édouard Balladur annonçait la « suspension » de son projet.

Il rencontrait les dirigeants jeunes. Sonia Samadi, présidente de la FIDL, a avec Léa Filoche, claquait la porte de Matignon, demandant le « retrait pur et simple ».

La grève continuait. L’Unef-ID et la FIDL ne lâchèrent pas prise. Le second Premier ministre de cohabitation dut, à son tour, comme Jacques Chirac et Philippe Devaquet, huit ans auparavant, prononcer le mot « retrait ».

C’était alors très significatif des rapports de force profonds dans le pays. En mars 1994, Mai 68 n’était toujours pas effacé des mémoires.

Mai 68, décembre 1986, mars 1994

Un débat s’ouvrit une fois de plus dans les médias : quelle comparaison entre Mai 68 et mars 94 ? Laurent Joffrin écrivit : « Mai 68 c’était la révolte de l’espoir. Mars 94 c’était la révolte du désespoir. En 68, on croyait à la politique, en 94, elle est objet de dérision. En 68, on croyait dans l’action collective, dans les programmes, dans les projets. En 94, on s’en défie comme de la peste. En 68, il y avait 300 000 chômeurs. En 94, il y en a dix fois plus. En 68, la drogue était une tentation pour ainsi dire poétique. En 94, elle est un fléau. En 68, selon le vocabulaire en vigueur, les jeunes avaient peur d’être intégrés par le système. En 94, ils ont peur parce qu’ils en sont exclus. » Pour la énième fois, la réécriture de Mai 68 battait son plein. Les idéologues s’efforçaient de gommer toute continuité. Pour eux, Mai 68 était unique, c’était un phénomène culturel, pas social. Il leur suffisait donc de montrer qu’en surface les mots d’ordre culturels avaient changé pour nier l’essentiel.

Le climat apparent n’était plus le même, mais, au fond, la lutte des classes, elle, reposait sur les mêmes ressorts. La grève générale massive des salariés de 68 visait à mieux répartir les fruits du travail. Les jeunes de 94 agissaient dans le même sens, contre un smic au rabais.

Le Mai 68 étudiant avait été une façon de dire : « Ne réprime pas mes camarades », et puis cela avait servi d’étincelle, de catalyseur pour les revendications de la classe salariale. Un lien profond avait été établi entre la jeunesse et le salariat. C’est à cause de ce lien si depuis les pouvoirs ont peur : Chirac en décembre 1986 et Balladur en mars 1994. Tout comme Chirac après la mort de Malik Oussekine, Balladur, en 1994, mourait de peur qu’il y ait des victimes au cours des défilés de jeunes.

En 1968, certes le gauchisme régnait, miroir opposé et reflet du stalinisme majoritaire à gauche. Mais était-ce moins bien, moins radical, moins efficace en 1994, quand la jeunesse conduisit son combat jusqu’à la victoire complète avec un grand sens de la solidarité collective ?

En mai 68 planait encore l’ombre de l’URSS sur tout mouvement social. En 1994, le capitalisme était seul face à lui-même. En 1968, on criait : « Élection-trahison ». En 1994, comme en 1986, on disait : « On s’en souviendra le jour des élections. »

En mai 68, ce fut l’explosion ; en mars 94, le refus du chantage à l’exclusion, ce qui peut provoquer une explosion plus forte.

En décembre 86, comme en mars 94, la jeunesse était pleine d’espoir, elle ne prenait pas la politique en dérision, mais au sérieux.

La façon dont la presse a valorisé Mai 68 par rapport aux mouvements ultérieurs est impudique. C’était comme un acharnement : les « vieux » soixante-huitards y contribuèrent, expliquant que, de « notre temps », on était plus révolutionnaire, plus audacieux, etc. Pour eux, 36 était-il mieux que 68 ? Non. Ils avaient leur univers borné, leur mémoire coincée sur les barricades du quartier Latin, sur les mondains de type Cohn-Bendit et Kouchner, sur les clichés abondamment cultivés par les médias…

Ils ne voyaient pas le fond, la continuité, la progression de la conscience d’une génération de jeunes à l’autre.

Vers novembre décembre 1995 :

Chaque grande crise révolutionnaire nourrit ainsi le conscient et l’inconscient des vivants qui font l’histoire. Chacune s’empile sur l’autre et, quelque part, tire profit de la précédente. Par mille liens invisibles qui sont différés, par le poids plus ou moins grand du chômage, du rapport des forces, de la peur de l’exclusion, de l’espoir du changement.

Tout comme il y a des cycles Kondratieff en économie, qui alternent récession et expansion, il y a des cycles du mouvement des masses, où s’épuisent et se succèdent des générations. Ces cycles sont mystérieux à définir et très rebelles à la théorie, parfois on ne les comprend qu’a posteriori. Mais ils n’en existent pas moins. On le verrait encore plus nettement, à peine un an plus tard, en novembre-décembre 1995, survenu en pleine période de chômage. Certains diront  « mieux qu’en 68 » – pourtant inscrit dans les Trente Glorieuses.